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LITTÉRATURE DRAMATIQUE ÉTRANGÈRE.

Et ainsi, je n’essaierai pas d’apprécier ou de conjecturer, même par induction, l’effet probable de François Ier, sur un auditoire anglais, disposé d’avance à l’indulgence et à l’approbation par le nom, la jeunesse et la beauté de l’auteur. Je ne veux pas faire sur un ouvrage applaudi au-delà de la Manche, un feuilleton comme il s’en publie vingt à Paris tous les jours. Je veux analyser et juger le drame de miss Fanny Kemble, comme un livre qui n’aurait rien à démêler avec le décorateur, le machiniste et le costumier. Cependant je n’oublierai pas, et je prie en même temps qu’on se rappelle, que l’auteur compte aujourd’hui vingt-un ans tout au plus, et qu’elle avait dix-sept ans, quand elle a commencé l’œuvre publiée cette année seulement par John Murray. C’est une réserve que je crois indispensable dans le double intérêt de l’art et de la critique, car il y aurait de l’injustice et presque de l’aveuglement à rechercher les motifs et la portée d’une scène, la vraisemblance et la solidité d’une combinaison dramatique avec une logique inexorable, lorsqu’il s’agit d’un début ; quand on appelle à son tribunal un esprit qui peut subir encore bien des métamorphoses, qui ne connaît guère les réalités de la vie que par les livres, ou tout au plus par ses rêves et ses espérances. Plus tard, quand il aura vieilli, il saura bien lui-même, après le premier éblouissement du triomphe, se demander compte du passé, mesurer rigoureusement ce qu’il vaut, ce qu’il en faut garder, quelles feuilles ont séché, et ne doivent plus reverdir, dans le laurier qu’il croyait impérissable. Il saura bien retrouver dans sa mémoire le spectacle de ses émotions évanouies, et jeter au vent, quand l’heure sera venue, les cendres d’une gloire éteinte.

Donc, il y a dans Francis the first trois sujets bien distincts, trois drames différens, qui ont chacun leur importance et leur valeur ; qui, à la rigueur, comporteraient séparément un développement individuel et complet, qui, seuls et sans le secours des deux autres, suffiraient à remplir la scène, à concentrer la curiosité, à donner enfin une fable avec son exposition, son nœud et son dénoûment. Les deux premiers actes sont tout entiers dévolus à la duchesse d’Angoulême et à son amour pour le con-