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REVUE DES DEUX MONDES.

La bataille de Pavie et la captivité du roi auraient suffi au troisième acte.

Au quatrième acte, la rentrée du roi en France, le sac de Rome, la mort de Bourbon, de Lautrec, les fêtes de la cour, et le mariage de Henri avec Catherine de Médicis.

Au cinquième, le voyage de Charles-Quint et la mort de François Ier.

Mais l’imagination d’une jeune fille pouvait-elle manier et tailler librement cette étoffe immense ? Je ne sais. Peut-être eût-elle mieux fait de s’en tenir aux amours et à la mort de Françoise de Foix.

En donnant le canevas dramatique de trente années, nous n’avons pas la prétention d’avoir indiqué une recette infaillible, et qui doive, fidèlement exécutée, produire une œuvre de belle et grande poésie. On n’a pas fait une statue, quand on a équarri un bloc de Carrare.

Malgré nos remarques, et à cause de nos remarques, Francis the first est et demeure une œuvre très remarquable. Mais puisque miss Kemble ne veut pas suivre la voie de Knowles, de Milman et de miss Joanna Baillie ; puisqu’elle ne s’est pas laissé séduire aux tirades rhétoriques de Virginius et de William Tell ; puisqu’elle ne croit pas que la tragédie biblique, ou la tragédie officiellement et didactiquement morale, soit appelée à régénérer le théâtre anglais ; puisqu’elle ne veut ni de la fureur, quelque peu dévergondée d’Otway, ni de la douleur élégiaque de Rowe, ni de l’emphase castillane de Dryden ; qu’elle étudie Shakespeare, et ne cherche pas à l’imiter ; et puissent ces lignes, si elles arrivent jusque sous ses yeux, la décider, dans sa prochaine tragédie, à ne peindre que les sentimens qu’elle a éprouvés, ou dont le spectacle familier a pu l’instruire ; qu’elle renonce à vouloir imposer aux siècles évanouis la grâce et la chasteté de sa jeunesse, qu’ils ne peuvent accepter. Si elle n’a pas lu Pantagruel, ou les Nouvelles, ni les Dames galantes, comme je le crois volontiers, qu’elle ne touche à l’avenir qu’aux hommes et aux choses qu’elle aura pu librement étudier, sans renoncer aux attributs de son sexe.


gustave planche.