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ANCIENNE LITTÉRATURE SCANDINAVE.

Revenus du fond de l’Orient dans la péninsule scandinave, nous ne nous y renfermerons pas long-temps, car ce ne fut ni dans cette péninsule qui comprend la Suède et la Norwège, ni dans les îles, ou la Chersonèse danoise, que se développe de la manière la plus complète la nationalité scandinave. Ce n’est pas dans ces pays que devaient se conserver le plus fidèlement la langue, la religion, les traditions poétiques des populations qui les habitaient ; la Scandinavie devait, pour ainsi dire, se transporter tout entière dans une île ; cette île devait être l’asile et comme le sanctuaire du génie des peuples germaniques, et nous transmettre un jour les seuls monumens littéraires où il subsiste dans sa pureté. C’est de cette contrée remarquable qu’il faut vous parler.

Sous le cercle polaire, entre l’extrémité septentrionale de l’Europe et la côte orientale de l’Amérique, aux confins du monde vivant, est situé l’un des plus singuliers pays que les hommes aient jamais habités : c’est l’Islande. Imaginez une grande île, formée presque tout entière de produits volcaniques, sillonnée de laves, couverte de cratères et de glaciers. Tout, dans ce pays boréal, avertit qu’on marche sur un gouffre ardent ; on vient de franchir une nappe de neige, et le pied enfonce dans le soufre liquide. Ici s’élancent à cent pieds des jets intermittens d’eau bouillante de deux toises d’épaisseur, là des colonnes d’une vapeur chaude sortent du sein de la terre, et forment des réservoirs d’air tiède au sein d’une atmosphère glacée. L’Islande est un volcan à plusieurs bouches. Sans doute, elle est sortie un jour de la mer qui l’environne ; la cause qui l’a soulevée continue à la travailler en tous sens, et maintenant il semble qu’au milieu de ses glaces, dans sa lointaine solitude, elle achève lentement de se dévorer elle-même.

Rien de plus triste, de plus désolé, comme on peut croire, que l’intérieur d’un tel pays. Les côtes seules sont habitées, le centre n’est qu’un désert de laves, où l’on ne rencontre ni un arbre, ni un être vivant. Pendant quelques mois seulement, l’Islande peut communiquer avec le reste du monde. Durant ses longs hivers, elle est isolée par les tempêtes, et cernée en partie par les gla-