Page:Revue des Deux Mondes - 1832 - tome 6.djvu/400

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
394
REVUE DES DEUX MONDES.

frappant que l’analogie fondamentale de ce qui existe entre les langues germaniques, et les langues grecques et latines ? Qu’aurait pensé, bon dieu ! l’antiquité si dédaigneuse et si ignorante de tout ce qui était barbare ? Qu’auraient dit les Romains, si on leur eût appris que ces Goths, ces Francs qu’ils regardaient à peine comme des hommes, parlaient une langue dont les principales racines se trouvaient dans leur propre langue, dont la grammaire ignorée était une contre-épreuve assez fidèle de celle de Sophocle et de Démosthène, de Cicéron et de Virgile ?

Il fallait, pour reconnaître cette vérité, qu’après bien des siècles, les descendans de ces barbares eussent établi des bibliothèques et des académies dans la Chersonèse cimbrique et dans le pays des Cattes.

Ce n’est pas tout, et d’autres analogies non moins certaines rattacheront les langues germaniques aux anciens idiomes de la Perse et de l’Inde, si étroitement liés eux-mêmes avec ceux de la Grèce et de l’Italie ; et pour la seconde fois, nous aurons touché aux régions lointaines de l’orient, en partant de l’Islande.

Enfin, après les considérations de races et de langues, un troisième objet d’étude achèvera de nous préparer à la littérature des peuples scandinaves. Je veux parler de leur religion.

Il n’est plus permis aujourd’hui, messieurs, de ne voir dans une mythologie qu’un jeu de la fantaisie des poètes, ce serait transporter dans l’histoire de la pensée humaine l’erreur qui régnait autrefois dans l’étude du monde physique, quand on attribuait aux jeux de la nature ce qu’on ne savait pas ramener à ses lois : c’est aussi d’après des lois générales que se forme cette cristallisation brillante, bizarre en apparence, au fond régulière qu’on appelle une mythologie.

Mais, pour arriver à ces lois générales, il faut déterminer soigneusement tous les faits partiels d’où elles doivent sortir, et ici de graves difficultés se présentent. Rien n’est plus complexe et plus divers que les mythologies, car elles se forment à une époque de la pensée humaine où sa confusion égale sa hardiesse. Tout s’y trouve, et les idées que les hommes, dans leur ignorance, cherchent à se faire de l’origine et de la fin des