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ils étaient obligés d’avoir à chaque bout de la table un pot de fer rempli de sciure de bois et de bois pourri, qui, étant allumés, donnaient une fumée très épaisse sans flamme. C’était le seul moyen de chasser ces terribles insectes, mais c’était un remède désespéré, car on était presque suffoqué par les nuages épais qui se dégageaient. Pendant ce temps les mousquites se tenaient en foule aux portes et aux fenêtres, attendant la dispersion graduelle de la fumée ; et dès que l’atmosphère devenait moins chargée, ils attaquaient de plus belle les pauvres voyageurs.

« Les chevaux souffraient aussi de la piqûre de ces insectes. Nous fîmes allumer dans les prairies plusieurs feux de bois pourri près desquels leur instinct les rassemblait tous. Ces pauvres animaux avaient tant d’intelligence que, lorsque la fumée de leur feu commençait à diminuer et à ne plus les protéger, ils venaient au fort en galopant et en hennissant de la manière la plus significative pour demander une nouvelle provision : dès qu’ils voyaient les hommes partir avec du bois, et se rendre aux feux, ils les suivaient et attendaient patiemment que la fumée mît de nouveau l’ennemi en fuite. Il y avait de très belles fleurs dans le voisinage du fort, et les oiseaux-mouches, que les Canadien nomment oiseaux des dames, y voltigeaient sans cesse. Mais il y avait aussi des serpens noirs et des serpens à sonnettes. Les Canadiens en mangeaient souvent ; leur chair est très blanche, et a, dit-on, un goût délicieux. Il faut prendre, selon M. Cox, de grandes précautions quant à la manière de tuer cet animal, lorsqu’on le destine à la table, car s’il ne meurt pas du premier coup et qu’il ne soit qu’étourdi, il se mord aussitôt en plusieurs endroits, s’empoisonne, et devient fatal à celui qui le mange. Nous ne nous rendons pas, comme on le pense bien, garant de cette assertion, non plus que de l’anecdote suivante.

« Je chassais un jour dans la plaine, dit M. Cox, avec quelques-uns de mes hommes. Nous nous étions arrêtés vers midi, pour faire reposer nos chevaux et nous rafraîchir sous des sycomores baignés par un limpide ruisseau. Plusieurs faucons planaient au-dessus de nos têtes, et, à en juger par leur taille, leurs serres immenses et leur énorme bec, je crois qu’ils auraient