Page:Revue des Deux Mondes - 1832 - tome 6.djvu/475

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
469
HONESTUS.

de seize ans : — Prenez place à côté de notre hôte, et servez-le ! — comme on dit à ses valets : — Préparez la plus belle de mes chambres, le plus doux de mes oreillers, et obéissez à notre hôte ! — Ainsi, mon ami, vous, mon hôte, je vous ai montré ce que j’avais de plus beau et de plus cher, mon diamant. Je n’ai ni femme jolie à vous montrer, moi vieillard, ni jolie enfant à faire asseoir auprès de vous, ni domestique nombreux, ni musiciens aux voix sonores, ni parfums exquis. J’ai mon vin et mon diamant, des vins qui se boivent à longs traits, un diamant dont les reflets vont jaillir jusqu’au fond de l’âme, plus un poignard qui tranche. Eh bien ! je vous ai versé mon vin à longs flots ; je vous ai prêté mon poignard nu, hors de sa gaine ; je vous ai montré mon diamant tout nu ; je vous ai fait jouir de tout mon présent, de tout mon passé, de tout moi-même. J’ai fait les honneurs de ma maison comme pas un hôte ne le fait dans ce monde à son hôte. Soyez juge de cela, monsieur ! et à présent que je vous ai montré ma femme et ma fille, imprudent que je suis, vous voulez m’enlever ma femme et ma fille, et les faire vôtres par la prostitution ou par le viol ! et à présent que vous avez bu mon vin, vous voulez vous emporter avec mon vin, vous voulez m’égorger avec mon poignard ! Oh ! non pas, non pas, jeune homme ; j’en atteste vos dix-huit ans de philosophie et de vertu ; non, tu ne dépouilleras pas le vieillard ; non, tu n’abuseras pas de la lame effilée ; non, tu ne seras pas si cruel et si injuste. Ô pitié ! pitié ! respecte mon diamant, mon seul bien. — Disant cela, le vieillard était à genoux devant le jeune homme, disant toujours en sanglotant : pitié ! pitié !

Gustave dit : buvons. Il tendit son verre, et il le vida tout d’un trait. — La quatrième bouteille fut vidée encore, — mais le diamant était toujours là, brillant comme l’étoile dans le ciel nébuleux.

Toujours il était là, cet astre de deuxième ciel, qui lançait sa flamme dans le cœur du jeune homme : l’ivresse débordait à pleins bords ; le diamant étincelait à pleine âme. — Gustave se retourna vers le vieillard. — Décidément, dit-il, tu ne veux pas me le donner ?