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la princesse du fond du bateau, duchesse, n’apercevez-vous point de drapeau blanc ? » — « Hélas ! madame, répondait tristement la grande d’Espagne, je n’aperçois que des drapeaux tricolores. » — « Duchesse, reprenait, lamentablement la princesse, ne voyez-vous point venir de nos amis ? » — « Hélas ! madame, reprenait lamentablement la grande d’Espagne, je ne vois venir que de la garde nationale. » Et ce mélancolique colloque se répétant tout le jour, si bien qu’à force de louvoyer et d’observer, le joli bateau à vapeur avait usé tout son charbon. Il fallait donc absolument, pour en refaire provision, aborder quelque part, fût-ce en pays révolutionnaire. Mais voyez la fatalité. Tandis que le Carlo-Alberto s’occupe à réparer pacifiquement à la Ciotat sa chaudière, survient un bâtiment de l’état, le Sphynx, qui vous le remorque sans façon et l’emmène en Corse avec tout son équipage. Là-dessus vous croyez bonnement la princesse prisonnière. Simples que vous êtes ! Une princesse est bien trop fine pour se laisser prendre. Maintenant que vous voici arrivés à Ajaccio, voyez un peu votre capture. Au lieu d’une princesse, vous n’avez qu’une femme de trente-cinq ans en bonnet de nuit. Madame a disparu dans la vapeur de son bateau. Aussi bien a-t-elle eu grandement raison de s’évanouir ainsi, car pour lui faire faire pénitence, on allait la renvoyer sans miséricorde à ses parens d’Holyrood, ce qu’elle n’eût trouvé, j’imagine, que très peu divertissant.

Mais cette tentative aventureuse et son appendice, la conspiration de Marseille, ne sont pas les seuls essais poétiques que nous ait fournis la Provence durant cette dernière quinzaine. Celui que M. Polydore Bounin vient de nous expédier aussi de Marseille, ne semble pas cependant devoir remuer non plus bien profondément le pays. Il s’agit, il est vrai, cette fois tout simplement d’un recueil de poèmes et de poésies. Cela ne tire pas en général à conséquence. À voir néanmoins ce livre de M. Polydore Bounin, pour peu que vous ayez la vue basse, vous diriez d’abord les Feuilles d’automne. C’est en effet un volume in-octavo d’une fort raisonnable grosseur, et qui se trouve chez Renduel, l’éditeur des ouvrages de M. Victor Hugo. Comme les Feuilles d’automne,