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DE L’ART EN ALLEMAGNE.

pirs pris aux forêts et aux pierres de son pays, aux murs fendus et aux lichens des vieux châteaux du Rhin, aux lierres et aux carrefours de la forêt Noire, aux cornemuses des Tyroliens, aux rames des bateliers de l’Elbe, aux tambourins des Bohémiens ; chœur confus, nuageux, enfumé, de toute une race d’hommes qui, après sa semaine, se met à chanter le soir sur son banc en attendant le jour. Il faut en dire autant de la peinture ; l’école grecque de Winkelmann et de Goëthe fut abandonnée pour l’ancienne école allemande des peintres du quatorzième siècle. On ne se contenta plus d’aller chercher ses sujets dans l’histoire nationale. Cornelius[1] ne voulut pas seulement continuer, après mille ans, le Banquet des Niebelungen, et refaire le Faust des sorciers du moyen âge ; il eut besoin d’une sympathie plus intime avec ces temps héroïques. Pour mieux s’initier à leur génie, il reprit lui-même leurs procédés. Le patriotisme du moyen âge devint une religion qui eut à Munich sa chapelle Sixtine. Épuisé d’idées et perdu dans la forme, l’art moderne se recomposa dans l’atelier du vieil art germanique ; on fît une étude toute nouvelle des fresques des cathédrales du nord qui étaient restées oubliées depuis la réforme ; on gratta les murs des nefs ; on découvrit les tableaux qui tapissaient de symboles de vermillon et d’or ces églises gothiques, que nous sommes accoutumés à nous représenter toujours si nues et si obscures. Ce fut une révélation subite que l’étude de ces fresques, et un monde inconnu où l’on s’engagea. Les conceptions philosophiques de notre époque s’habillèrent, à leur tour, des plis raides et diaphanes des vitraux de Cologne. L’infini se retrancha de mille manières dans le cadre vermoulu des gravures sur bois de Nuremberg. L’idée la plus nouvellement sortie de notre temps se chargeait volontiers du manteau pluvieux d’Holbein, et de ses couleurs séculaires. Pour traverser le camp de la routine, l’avenir se couvrait, comme Clorinde, de l’armure du vieux temps, et cachait sa jeunesse sous le casque et les brassards d’une époque immobile. À mesure qu’au dehors le peuple allemand se livrait d’avan-

  1. Cornelius. C’est de lui que sont les fameux dessins du Faust de Goëthe.