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LITTÉRATURE AMÉRICAINE.

empêché le brave coursier de s’en retourner dans la Vieille-Castille.

Votre excellence peut aisément se figurer quelle surprise j’éprouvai, lorsque, regardant autour de moi, je vis des haies de figuiers de l’Inde et d’aloës, ainsi que d’autres objets annonçant un climat méridional ; lorsque j’aperçus au-dessous de moi une grande ville avec des tours, des palais et une vaste cathédrale.

Je descendis la colline avec précaution, conduisant mon cheval en laisse, car je n’osais plus le monter ; j’avais trop peur vraiment qu’il ne me jouât quelqu’autre tour diabolique. C’est à ce moment que je rencontrai votre patrouille. Elle m’apprit alors de grands secrets, à savoir que c’était Grenade qui s’offrait à ma vue, et que cette ville se trouvait actuellement placée sous les murs de l’Alhambra, forteresse où commandait le redoutable gouverneur Manco, la terreur de tous les Mahométans enchantés.

Dès que je fus instruit de ces particularités, je me déterminai soudain à faire visite à votre excellence, afin de lui révéler toutes les choses étranges que j’avais vues, et lui donner avis des périls qui minent et entourent Grenade et l’Alhambra. Vous pourrez ainsi prendre à temps les mesures convenables pour protéger la forteresse et au besoin le royaume contre cette armée intestine, qui fait ses évolutions dans les entrailles mêmes du pays.

— Eh bien ! dites-moi, je vous prie, mon ami, vous qui êtes un vétéran, vous qui avez vieilli au service, vous qui avez fait et vu tant de campagnes, quels moyens me conseilleriez-vous d’employer pour prévenir ces malheurs qui nous menacent ?

— Il n’appartient point à un obscur et humble soldat, répondit modestement notre homme, de prétendre donner des avis à un commandant de la sagacité de votre excellence. Il me semble pourtant que votre excellence pourrait faire murer et clore par de solides ouvrages de maçonnerie toutes les cavernes et même tous les trous qui pénètrent dans la montagne ; de cette façon Boabdil et son armée se trouveraient à jamais renfermés