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contre l’invasion étrangère, soit qu’il faille protéger les franchises publiques contre les empiètemens d’une royauté jalouse.

Mais en France, à la même époque, tandis que l’aristocratie anglaise chassait Jacques ii et donnait le trône à Guillaume iii, que faisait notre noblesse ? Elle s’humiliait sous Louis xiv. Le demi-dieu de Versailles n’avait plus besoin, comme à son entrée au parlement, de son fouet et de ses éperons pour imposer silence aux murmures ; sa parole, un pli de ses lèvres, un mouvement de sa paupière suffisait à sa volonté souveraine. Il continuait paisiblement, sans résistance et presque sans péril, l’œuvre commencée par Louis xi et si habilement reprise par le génie de Richelieu.

Et depuis, qu’a-t-elle fait pour se concilier l’estime et la confiance ? qu’a-t-elle opposé à l’impatience populaire ? quel rôle a-t-elle choisi, quand la royauté eut conquis le mépris par la débauche ? le jour où le mépris appela l’insulte, a-t-elle embrassé d’autre parti que la fuite ? Peut-elle revendiquer l’honneur d’un hardi conseil ou d’une vengeance courageuse ? Depuis 1715 jusqu’en 1789, elle n’a rien fait pour éloigner la mort qui l’envahissait.

Aussi, voyez quels fruits a portés sa lâcheté ! voyez la moisson qu’elle recueille pour avoir semé l’aveuglement et l’indifférence ! Elle est morte : il n’y a plus aujourd’hui ni courage, ni pénétration à le dire. Elle a signé elle-même son acte de décès dans la dernière session ; son existence politique n’est plus qu’une fiction, un thème qui suffit aux sophismes ingénieux de quelques publicistes. Si les noms historiques de la France conservent encore quelque crédit dans les chancelleries étrangères ; si pour complaire aux cours de Russie ou d’Autriche, on daigne encore nommer aux ambassades les ducs et les marquis, ce ressouvenir de l’ancien régime ne peut durer long-temps ; le recensement des emplois diplomatiques en fait foi. Le maréchal Mortier, le maréchal Maison, M. de Barante, n’ont qu’un blason d’hier. Dans quelques années, le roi donnera le titre de duc avec les lettres de créance.

Il faut donc chercher dans l’histoire comparée des deux pays