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sur sa mère des détails curieux, et qu’il faut méditer pour bien comprendre sa destinée et son rôle. Il raconte à merveille comment lady Pelham, ayant lu tous les romans historiques publiés depuis dix ans, commence l’éducation de son fils, seule et sans conseil, ou daigne tout au plus prendre quelquefois l’avis d’un oncle du héros, qui a écrit un Traité de cuisine française, ce qui donne à la famille un caractère tout-à-fait littéraire. Toutes les lettres de lady Pelham adressées à son fils pendant son séjour à l’université, et son voyage en France, sont des chefs-d’œuvre d’ironie et d’exclusion. Les soins qu’il faut apporter dans le choix de ses amitiés, l’art d’utiliser à son profit les relations les plus indifférentes en apparence, de se lier publiquement avec une femme de ton, pour se ménager l’entrée des meilleures maisons, la tendre mère n’oublie rien. Absente, elle veut encore servir de guide et de Mentor à son enfant ; et pour atteindre ce but honorable, elle ne regrette ni son temps ni son éloquence.

Le voyage de Pelham en France n’est pas la partie la moins intéressante du livre. M. Bulwer retrouve, pour la satire et la caricature de nos salons, la verve et l’entraînement de ses premiers chapitres sur la vie de Cambridge. Mais en admettant la vérité du premier tableau dont je ne suis pas juge, je me crois le droit de contester la fidélité du second. À coup sûr, je ne prétends pas révoquer en doute la vertu des dames anglaises : la solidité de leur première éducation, la gravité habituelle de leur vie de famille, l’amour qu’on leur inspire de bonne heure pour leurs devoirs d’épouse et de mère, les goûts austères et recueillis qu’on leur enseigne, avant de les mener dans le monde, garantissent, au-delà de toutes les prévisions humaines, la pureté irréprochable de leur conduite à venir. Mais tous ces motifs réunis ne justifient pas la grotesque mésaventure du maître de Pelham. Pour qu’une caricature soit bonne et plaisante, elle ne doit être que l’exagération logique d’un trait naturel et saisissable. Sans ce mérite indispensable, Gallot, Cruikshank et Granville n’auraient pas obtenu le succès et la durée qu’ils ont eus. Or, nous ne sommes plus au temps où il pouvait être de bon ton à Londres et à Édimbourg de considérer toute la