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reur, aux moyens pathétiques, qui gâtent la satire quand ils ne la dominent pas.

Quant au reproche adressé à Pelham par les critiques anglais pour la sympathie personnelle qu’il nous inspire, je suis loin de l’adopter. Je conçois très bien que pour se faire le biographe d’un héros, quel qu’il soit, on éprouve le besoin de s’identifier avec lui, et par cela même de le doter de quelques-unes des vertus qu’on possède ou qu’on révère. Si l’on écrit l’histoire de Pierre-le-Grand ou de Charles xii, involontairement on excuse les cruautés du premier et l’inconcevable étourderie du second. Bien que M. Bulwer ait eu le dessein avoué de tourner en ridicule l’aristocratie anglaise, il ne pouvait réaliser sa volonté sans attribuer à l’idole qu’il voulait briser quelques bonnes qualités. Autrement il eût provoqué du premier coup l’incrédulité. Si, dès les premières pages, il eût représenté Henry Pelham comme insensible et indifférent, si à seize ans il lui eût donné cette langueur fastueuse et apathique que les dandies admirent comme le plus haut degré du ton, s’il l’eût créé dès son début avec ces vices complets qu’on n’achète jamais qu’au prix de plusieurs passions désastreuses ; s’il lui eût fait un front d’airain, des joues incapables de rougeur, des yeux sans larmes, toutes choses qu’on ne peut espérer qu’après avoir passé par la débauche, le jeu et l’ambition, on aurait eu le droit, en achevant le premier chapitre, de lui dire : « Votre héros est une nature perverse, que nous n’avons vue nulle part. Il est né sous une étoile maudite. Quelles que soient les conséquences que vous prétendiez tirer de votre histoire, nous les récusons d’avance. Car toute histoire emporte avec elle sa moralité, éclatante ou obscure. Vos prémisses sont fausses. Nous nions la conclusion. »

Le succès de Pelham, dont jusqu’ici nous avons seulement indiqué les élémens possibles, devait trouver dans l’état de la littérature anglaise en 1828, une chance infaillible de popularité. Waverley écrit en 1805, après avoir, pendant huit ans, inutilement cherché un éditeur intelligent, qui pût deviner et prédire la fortune qui lui était réservée, avait fondé en 1813 l’école historique. Ivanhoë, Guy Mannering, en offrant à la curiosité des