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petits écureuils, et sous leur ombre errent sans crainte des cerfs et des daims fauves. Les rayons du soleil se jouent curieusement à travers la couleur vert foncé du feuillage. Les épaisses racines des arbres forment un escalier naturel le long de la montagne ; des deux côtés des chemins, s’élèvent des grands bancs de mousse, car les pierres sont couvertes des plus belles de ces variétés qui semblent des coussins de velours d’un vert tendre. On ressent une agréable fraîcheur, on entend le murmure des sources qui porte tant à la rêverie ; souvent l’eau s’échappe en filets d’argent de dessous les pierres, et descend en petites cascades le long des racines des arbres. En se baissant et en écoutant involontairement, il semble qu’on va contempler l’histoire secrète de la formation des plantes et que l’on entende le sourd battement des artères de la montagne. En quelques endroits, l’eau part avec bruit, traverse la route avec violence, et disparaît tout-à-coup dans les profondeurs où elle retombe en une pluie blanche.

Plus on monte sur la montagne, plus la hauteur des pins diminue ; peu-à-peu la végétation devient rabougrie jusqu’à n’offrir plus que des mûres, des groseilles, et enfin quelques herbes. Le froid augmente aussi à proportion. Les blocs de granit forment des groupes merveilleux qui sont souvent d’une grandeur prodigieuse. Ce pourraient bien être là les balles que se jettent, dans leurs jeux de la nuit de Walpurgis, les esprits infernaux, quand les sorcières arrivent en ce lieu à cheval sur des fourches et des balais, et que commence le sabbat, maudit, désordonné et joyeux, tel que nous le racontent nos crédules nourrices, et comme il est représenté dans les belles illustrations de Faust, par notre excellent peintre Retzsch.

Vraiment, lorsqu’on arrive à la partie supérieure du Brocken, on ne peut se défendre de songer à ces divines histoires du Blocksberg, et surtout à la grande et mystique tragédie nationale du docteur Faust ! Il me semblait à chaque instant que j’entendais le fameux pied de bouc grimper près de moi, et que j’entendais ricaner lorsque je reprenais haleine. Je crois que Méphistophélès est obligé de reprendre haleine aussi, lorsqu’il gravit sa montagne favorite ; c’est une route affreusement fatigante, et ce