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UN ADIEU.

Porque le pesaban mucho
Los cuidados de su amo.
A Dios, mi querida prenda,
A Dios, mi dulce cuidado,
¡ Quando volvere yo á ver te
Y á gozar de tus halagos !
Duelete de mis pesares,
Duelete de mis quebrantos.

Oh ! quand on ne l’a pas entendue chantée par Mercedès, on n’a nulle idée de l’émotion que peut produire cette ballade si simple et si naïve. Ce soir-là surtout, l’impression qu’elle fit sur moi fut inexprimable. Pendant que la comtesse chantait, j’étais resté le front appuyé sur la table du piano, de sorte que les vibrations de ses cordes, se communiquant à tous mes nerfs, me saisissant par toutes les fibres en même temps que la voix de Mercedès résonnait jusqu’au fond de mon âme, m’avaient brisé comme ferait l’action d’une électricité continuée plusieurs instans de suite.

Cependant onze heures venaient de sonner, et la comtesse était encore au piano, quand son mari rentra. Il s’approcha d’elle et l’embrassa plusieurs fois sur le front, puis il me tendit la main. — Je lui laissai prendre et serrer la mienne.

— Vous faisiez de la musique, dit le comte d’un air insouciant et léger, en arrangeant ses cheveux devant la glace ; et moi, je viens d’en entendre aussi d’excellente. La Straniera de Bellini a complètement réussi ce soir au théâtre du Prince. Cet ouvrage est vraiment une belle chose, et puis la Tosi s’y est montrée merveilleuse.

— Pardon, mon ami, dit la comtesse, si nous ne te demandons pas plus de détails sur la représentation. Mais c’est que nous sommes bien préoccupés et bien tristes, vois-tu. M. John nous quitte, et part demain matin pour Cadix, et de-là pour le Mexique.

— Vous avez tort, dit le comte, d’un ton affectueusement glacial, en venant vers moi ; vous avez tort, John, de laisser si