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Page:Revue des Deux Mondes - 1832 - tome 6.djvu/79

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CONSULTATIONS DU DOCTEUR NOIR.

et que vous pourrez lire quand vous voudrez, ces lois de l’âge d’or auxquelles ce béat cruel voulait ployer de force notre âge d’airain. Robe d’enfant dans laquelle il voulait faire tenir cette nation grande et vieillie. Pour l’y fourrer, il coupait la tête et les bras.

Lisez cela, vous le pourrez plus à votre aise que je ne le pouvais dans la chambre de Robespierre, et si vous pensez, avec votre habituelle pitié, que ce jeune homme était à plaindre, en vérité, vous me trouverez de votre avis cette fois, car la folie est la plus grande des infortunes.

Hélas ! il y a des folies sombres et sérieuses, qui ne jettent les hommes dans aucun discours insensé, qui ne les sortent guère du ton accoutumé du langage des autres, qui laissent la vue claire, libre et précise de tout, hors celle d’un point sombre et fatal. Ces folies sont froides, ces folies sont posées et réfléchies, elles singent le sens commun à s’y méprendre, elles effraient et imposent, elles ne sont pas facilement découvertes, leur masque est épais, mais elles sont.

Et que faut-il pour les donner ? Un rien, un petit déplacement imprévu dans la position d’un rêveur trop précoce.

Prenez au hasard, au fond d’un collège, quelque grand jeune homme de dix-huit ou dix-neuf ans, tout plein de ses Spartiates et de ses Romains, délayés dans de vieilles phrases, tout roide de son droit ancien et de son droit moderne ; ne connaissant du monde actuel et de ses mœurs que ses camarades et leurs mœurs ; bien irrité de voir passer des voitures où il ne monte pas ; méprisant les femmes, parce qu’il ne connaît que les plus viles, et confondant les faiblesses de l’amour tendre et élégant avec les dévergondages crapuleux de la rue ; jugeant tout un corps d’après un membre, tout un sexe d’après un être, et s’étudiant à former dans sa tête quelque synthèse universelle, bonne à faire de lui un sage profond pour toute sa vie : prenez-le dans ce moment, et faites-lui cadeau d’une petite guillotine, en lui disant :

Mon petit ami, voici un instrument au moyen duquel vous vous ferez obéir de toute la nation ; il ne s’agit que de tirer cela et de pousser ceci. C’est bien simple.