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pays encore inconnu jusqu’ici ; mais son fils avait pris sa place, et celui-ci me reçut avec toutes les attentions respectueuses que les hôtes anglais, et particulièrement tous ceux qui vivent ici de l’argent d’autrui, ont coutume d’employer. Il me rendit aussitôt un véritable service ; car j’avais à peine reposé une heure, que je me souvins d’avoir oublié, dans le trouble de la nuit, une bourse de 80 souverains dans la commode de ma chambre. M. Jacquier, qui connaissait fort bien le terrein de l’Angleterre, haussa les épaules, et envoya cependant sans retard un homme de confiance, qui prit une barque, et s’en alla chercher ce que j’avais perdu. Le désordre qui règne dans ces misérables hôtels des faubourgs me sauva. Notre messager trouva la chambre encore en désordre, et à la surprise peut-être désagréable des gens de la maison, la bourse où je l’avais laissée. Londres est en ce moment dénué d’élégance et de monde fashionable. À peine voit-on passer de temps en temps un carrosse. Il ne reste plus que quelques représentans du beau monde ; en revanche l’immense ville est pleine de crotte et de brouillards, et les rues macadamisées, semblables à une grande route défoncée, car tout l’ancien pavé a été arraché et remplacé par de petits morceaux de granit, joints avec de la fonte, qui font rouler doucement les voitures et diminuent le bruit, mais changent la ville en un marais. Sans les excellens trottoirs, il faudrait marcher sur des échasses comme dans les landes de Bordeaux : aussi les Anglaises communes portent-elles quelque chose de semblable en fer à leurs grands pieds.

Cependant la ville a beaucoup gagné par la rue du Régent, Portland-Place et Regent’s Parke ; maintenant elle ressemble, dans cette partie, à une résidence et non plus comme autrefois à une immense capitale pour des shop-keeper, selon l’expression de Napoléon. D’où vient que le pauvre M. Nash (un architecte du roi fort influent, à qui l’on doit ces améliorations), ait été mal traité par certain connaisseur ? On ne peut nier que tous les styles soient mêlés dans ces édifices, et que l’ensemble en soit souvent plus baroque qu’imposant, mais, à mon sens, la nation lui doit encore quelque reconnaissance pour avoir entrepris des travaux aussi gigantesques. Au reste, la plus grande partie de ses plans est encore in petto ; mais avec la manie générale de bâtir et l’argent des Anglais, ils s’exécuteront certainement avec promptitude. Sans doute, il ne faut pas