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STATUE DE LA REINE NANTECHILD.

l’époque hiératique, il ne fallut pas moins que l’autorité d’un pape pour opérer une telle réforme : un simple prêtre comme Therpandre y eût échoué. Grégoire exerçait lui-même de jeunes choristes à la mélopée des psaumes. Ainsi, dans les temps hiératiques, les papes et les évêques étaient à-la-fois les architectes, les statuaires, les peintres et les maîtres de chapelle de toute la chrétienté.

L’art carlovingien, sans cesser d’être sacerdotal, diffère cependant de celui de la seconde race. Le génie de Charlemagne imprima aux arts, comme à tout le reste, un mouvement de progrès. Ce prince, en projetant son pouvoir sur deux contrées incontestablement mieux douées que la nôtre pour la culture des arts, améliora le goût des prélats français. D’abord on perd l’habitude barbare des constructions en bois ; puis la vue de quelques beaux édifices d’Italie, notamment de l’élégante église de Saint-Vital, bâtie à Ravenne par les exarques grecs en pur style bysantin, donne à nos Francs l’idée d’un art nouveau. Bientôt une copie agrandie du chef-d’œuvre grec s’élève à Aix-la-Chapelle. Partout des bas-reliefs, non plus barbares ou dérobés aux thermes et aux temples païens, viennent orner les églises et jusqu’aux sépultures. Il faut lire dans Eginhart la description des statues qui décoraient le tombeau de Charlemagne. L’usage des figures de ronde-bosse et celui de la sculpture en pierre que les scrupules de quelques évêques avaient banni des églises y reparaît. Cependant, et cela est un trait caractéristique de l’art hiératique, on préférait, en général, pour la ciselure et la sculpture, l’or, les métaux et l’ivoire à la simple pierre.

Quant à la musique, Charlemagne l’aimait : il indiquait lui-même dans sa chapelle, avec le doigt ou avec une baguette, le tour du clerc qui devait chanter, et il donnait à la fin du motet, par un son guttural, le ton du verset suivant. Eginhart nous a conservé une lettre dans laquelle l’empereur demande au pape de lui envoyer quelques chanteurs assez experts pour suivre les modulations de l’orgue, instrument presque inconnu en France, où l’on ne possédait que celui dont Constantin Copronyme avait fait présent au roi Pépin.