Page:Revue des Deux Mondes - 1832 - tome 7.djvu/212

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
208
REVUE DES DEUX MONDES.

le nombre des portes du portail principal des cathédrales. Aucun n’ignorait que les trois grandes portes voulues étaient un hommage à la Trinité. Dans la distribution des chapelles, des autels, des rosaces, ils suivaient invariablement les nombres trois, sept, ou douze : trois, à raison des trois personnes divines, sept à cause des sept jours de la création, douze en mémoire des douze apôtres. Ne craignez pas non plus qu’ils élevassent égales en hauteur et en beauté les deux tours des cathédrales ; ils savaient trop bien que la tour septentrionale est l’image du pouvoir spirituel, et que la tour méridionale figure le pouvoir temporel. Aussi ont-ils invariablement commencé par élever la première, et les années venant et avec elles l’indifférence, il en est résulté ce que tout le monde a dû observer que, dans beaucoup de nos cathédrales, la tour du midi est inachevée.

En même temps que l’architecture prenait, sous la direction des laïques, un vol si indépendant et si hardi, la sculpture, sous la même influence, se débarrassait de ses entraves. Plus de raideur égyptienne, plus de draperies à pas comptés et symétriques, plus de chevelures indiquées hiéroglyphiquement par des espèces de rainures et de gouttières. En demeurant fidèle au caractère religieux, la statuaire, au treizième siècle, s’affranchit des procédés du cloître ; elle acquiert tout-à-coup la pureté du dessin, la souplesse, le mouvement, la vie. Les monumens qu’elle a laissés sont aujourd’hui à peine connus, quoique nombreux dans les églises de cette époque. Le grand portail de la cathédrale de Reims offre à lui seul une multitude de ces belles statues du treizième siècle, mais placées malheureusement si haut qu’elles ne sont que difficilement visibles. En attendant qu’on en moule quelques-unes, la statue de la reine Nantechild que chacun peut aujourd’hui étudier commodément, est à-peu-près le seul échantillon de cette sculpture à-la-fois si gracieuse et si chrétienne : gracieuse par le maintien, le mouvement, les draperies ; chrétienne par l’expression, par la pensée, et, si on peut le dire, par les formes.

Bien que la robe et le manteau ne laissent à nu que la tête et les mains, mains qui d’ailleurs sont vivantes, on devine ai-