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à ce bleu, à ce rouge, à ce blanc, à ce verd, à cet or, qui étaient hiératiques par excellence ? Ce ne fut que lorsque la foi commença à s’éteindre, lorsque Wiclef, Jean Hus et Luther vinrent à saper le catholicisme et le moyen-âge, que les traditions s’affaiblirent. La diversité des croyances mit la désunion dans les confréries d’artistes. Les maîtrises et les jurandes se multiplièrent. L’unité fut bannie de l’art comme de la communauté chrétienne. Alors la moquerie et la satire s’introduisirent dans la statuaire. Les sept péchés capitaux sculptés en bas-reliefs, étaient l’ornement obligé de toute cathédrale : ils avaient été exposés jusque-là avec une naïveté peu édifiante, mais sérieuse et biblique ; au quinzième siècle, ils devinrent malicieusement obscènes. Le serf difforme avait été le type grotesque de la statuaire hiératique ; par représailles, le moine lubrique fut le type bouffon de la sculpture après Luther. La loi n’existait plus : l’art chrétien devait disparaître.


Une découverte inverse de celle de Colomb, la découverte du monde ancien, hâta la mise en terre de cet art qui, depuis quelque temps, était exposé sur son lit de parade. La renaissance, avec son Olympe ressuscité, vint nous offrir de nouveaux types, mais des types qui ne se rattachaient à aucune de nos croyances, à aucun de nos souvenirs nationaux. Pour quelques adeptes, l’antiquité fut un culte, culte bizarre ! l’art des Grecs une religion. Pour eux, nos musées et nos galeries étaient des chapelles homériques et des alcôves appuléennes ; mais cette religion sans morale n’est pas, grâce à Dieu, descendue dans les masses : elle est restée à hauteur de roi et d’érudit, et n’a pu devenir populaire. L’art, aux seizième et dix-septième siècles, s’étant fait païen, antiquaire et courtisan, n’eut plus de rapport avec le gros du pays. Ses productions rares et plutôt privées que publiques, ne furent plus que des passe-temps aristocratiques et sans conséquence, auxquels la vraie na-