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UNE COURSE DE NOVILLOS.

rent distinguer sur son visage l’expression de béatitude qui s’y était venu peindre. Quant à notre chargé d’affaires, diplomate des plus énormes dimensions, et de l’espèce la moins communicative, après nous avoir honorés d’une gracieuse salutation, accompagnée de quelques mots inintelligibles d’une langue faite à son usage avec des lambeaux de toutes les langues de l’Europe, sans faire à nous plus d’attention, il s’assit entre Piedad et moi, et s’étalant sur le devant de la loge, il pointa sa lorgnette vers la place.

Je me trouvai donc séparé de la marquise par toute la largeur et toute l’épaisseur de ce personnage. Il n’y avait pas jusqu’à nos regards qui n’en fussent interceptés ! Qu’y faire ? Il fallait bien se résigner !


XII.

La course avait cependant continué. Un taureau blanc, non embolado, avait été lancé dans la place ; mais bien que condamné à mourir, il ne semblait pas d’une humeur fort belliqueuse, et reculait obstinément devant la lance des picadors. Indigné de sa lâcheté, le peuple le sifflait à outrance et demandait à grands cris les banderillas de fuego. Ce fut alors que parut le Portugais Antonio Gravina, torero célèbre par son adresse et son courage. Il était monté sur des échasses au moins hautes de quatre pieds, et devait combattre ainsi le taureau. Cette lutte était assurément l’une des plus périlleuses que l’on eût inventées ; et quand je songe à tout ce que ce toréador affrontait à-la-fois de dangers, en vérité, je ne crois pas que jamais homme ait joué sa vie contre autant de chances mortelles.

On ne trouvait pas néanmoins que le taureau fût encore assez animé pour être attaqué par le matador avec l’épée. Selon le vœu du peuple, on apporta donc des banderillas de fuego. On en remit deux à Gravina, qui, les tenant dans chaque main,