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femme aussi, ce qu’il fit. Il n’a point laissé de race masculine. On sait que son testament était daté de 1323, et que sa naissance a eu lieu vers 1254, d’où il suit que l’on peut évaluer la durée de son existence à soixante-dix ans.

Lorsque le livre de Marco Polo parut, on le lut avec une grande avidité, mais personne alors ne crut à la vérité de cette relation. Les poètes, les romanciers, s’emparèrent du personnage du grand Kan et du royaume de Cathay, pour embellir et égayer leurs récits. Cette machine poétique fut mise en usage jusqu’au temps de l’Arioste qui, comme l’on sait, parle souvent de la reine de Cathay. De la lecture du livre de Marco Polo résulta encore une opinion qui s’accrédita dans l’esprit de tous les peuples occidentaux : c’est qu’il y avait au milieu de l’Asie un grand monarque, que l’on désignait sous le nom de grand Kan, qui était chrétien, qui appelait vers lui, par ses vœux, tous ceux des chrétiens occidentaux qui voudraient entreprendre le voyage de Tartarie pour y propager la foi catholique et y instruire les peuples idolâtres dans la religion chrétienne. Les richesses immenses que possédait ce grand Kan n’étaient point oubliées. Dans tous ces désirs vagues que l’on formait pour aller convertir les païens, il se joignait toujours une espérance d’en être largement récompensé par les rubis, les émeraudes et l’or du grand Kan, du prêtre Jean ou du roi des Hassacis dont le vulgaire ne faisait qu’un seul personnage. Les croisades et les relations diplomatiques qui s’étaient établies entre saint Louis et les princes tartares, avaient commencé à répandre toutes ces idées en Europe ; la relation de Marco Polo les y fixa.

Outre ces résultats, ce livre eut encore celui de porter l’attention de quelques savans, et particulièrement celle de Christophe Colomb, sur les études géographiques. On ne peut douter, en lisant la relation originale du premier voyage que fit Christophe Colomb de 1492 à 1504, que toutes les études préliminaires, que toutes les spéculations qu’il avait faites sur l’étendue de la terre et la position relative des différentes contrées, ne fussent calculées d’après les renseignemens que lui avait fournis l’ouvrage