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POÈTES ET ROMANCIERS FRANÇAIS.

silhouette, et parfois aussi la caricature des querelles parlementaires, petite guerre qui singeait la grande ; peut-être eût-il été obligé de jeter sa voix dans la balance, au milieu des débats sur la liberté de l’art, contre-partie, on le disait, conséquence ou parodie de la liberté politique. Sa plume n’aurait pu refuser quelques gouttes d’encre aux poétiques et aux préfaces du temps, exégèse d’une religion sans prêtres, scholies érudites des Euripides à venir.

Or, malgré la prodigieuse dépense d’esprit et de paroles, grâces à laquelle les athénées littéraires de la restauration ont su, pendant dix ans, remplir leurs chaires, et occuper leur auditoire, j’ai quelque raison de croire que ces oisivetés savantes, ces éternelles dissertations sur le goût et le génie, sur Boileau et Shakespeare, sur le moyen-âge et l’antiquité, la génération logique et la succession historique des formes poétiques, portèrent plus de dommage que de profit à l’art pris en lui-même et pour lui-même. Si la régénération du théâtre est prochaine, je soupçonne que le plus sûr moyen de la hâter n’est pas de savoir si Sophocle procède d’Homère, si Rabelais et Callot n’ont pas trouvé dans Aristophane et dans les bas-reliefs romains le type éternel de la bouffonnerie qu’on attribue, je ne sais pourquoi, au développement du christianisme.

Ombres des rhéteurs d’Athènes et de Rome, si vous assistiez aux séances de nos modernes académies, combien vous deviez être jalouses de nos périodes harmonieuses, de nos incises perfides, qui font à l’impatience et à la curiosité une guerre de buisson ! Vos entrailles n’ont-elles pas tressailli de joie, votre cœur n’a-t-il pas battu de reconnaissance et de fierté en voyant comme nous avons dignement profité à vos leçons ? N’avez-vous pas cru que les beaux jours du bas-empire allaient renaître ? N’espériez-vous pas que toute la France allait se transformer en professeurs, et que bientôt dans le mutuel étonnement, dans la mutuelle extase où les jetterait leur infaillible éloquence, ne trouvant plus à se faire ni questions ni réponses, ils termineraient la discussion par d’unanimes applaudissemens ?

Ne valait-il pas mieux cent fois, comme fit Alfred de Vigny,