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SIGURD.

lemagne. Le nom de celui qui, à cette époque, donna à de vieilles traditions germaniques la forme dans laquelle nous les possédons aujourd’hui n’est pas connu d’une manière certaine. On sait seulement que c’était un de ces troubadours allemands qu’on nommait chantres d’amour, Minnesinger.

Les Niebelungs restèrent ignorés jusqu’au dix-huitième siècle. Alors quelques fragmens de ce poème attirèrent l’attention de Lessing, esprit remuant et vaste qui a donné à l’Allemagne ce mouvement critique d’où est sortie sa littérature, et qui a commencé presque tout ce qui s’est fait depuis. L’école suisse de Bodmer, qui cherchait avec plus de zèle que de génie une poésie nouvelle, en fit connaître un peu davantage[1]. Enfin c’est au commencement de ce siècle que les Niebelungs furent publiés pour la première fois dans leur entier. Leur apparition fut un événement national. L’enthousiasme et un peu la manie du moyen âge régnaient en Allemagne. Un poème qui peignait avec naïveté, quelquefois avec grandeur, les vieilles mœurs, les sentimens germaniques, fut accueilli avec une exaltation tout à-la-fois littéraire et patriotique ; puis, quand vinrent les mauvais jours, quand un pouvoir étranger pesa sur le pays, ce fut surtout aux Niebelungs qu’on s’adressa pour y chercher une image de ce passé qu’on étudiait, qu’on inventait, afin d’y trouver un asile contre la triste réalité du présent. On admira, on commenta ce poème des Niebelungs, comme on rêvait l’ancien empire germanique, avec l’ardeur des regrets et la passion de l’indépendance. Cet élan historique et poétique fut utile ; l’érudition, la critique, l’imagination, si elles ne créèrent pas entièrement le patriotisme allemand, le fortifièrent. Les âmes se ravivèrent à ces souvenirs, et on peut dire que la découverte d’un poème national aida les Allemands à se sentir une nation.

Pour nous, ce qui nous intéresse en ce moment dans les Niebelungs, c’est que les événemens racontés dans ce poème nous présentent un rapport frappant avec ceux qui font le sujet d’une partie des chants de l’Edda, avec tout ce qui concerne le

  1. Chrimhilden rache 1757, 4o.