Page:Revue des Deux Mondes - 1832 - tome 7.djvu/454

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
450
REVUE DES DEUX MONDES.

Il me fallait la parer le matin,
Le soir, délier sa chaussure.

Hilda ne put donner de larmes à son sort,
Tant son âme était oppressée,
Tant l’accablait cette pensée :
Sigurd est mort ! Sigurd est mort !

Ah ! vous savez bien peu ce qui soulage une âme,
Ce qui peut être bon à cette jeune femme,
Dit alors Guldranda. — Puis sa main dévoilant
De Sigurd renversé le cadavre sanglant :
Regarde, Hilda, c’est lui ! prends ses mains dans les tiennes,
Colle tes lèvres sur les siennes,
Embrasse ton époux comme tu fis souvent,
Comme tu l’embrassais quand il était vivant.
Alors les yeux d’Hilda de larmes se mouillèrent
En s’attachant sur son époux.
Des larmes sur son sein à grands flots ruisselèrent
Et tombèrent sur ses genoux.

En entendant gémir Hilda comme expirante,
En entendant les cris de sa voix déchirante,
Brunhilde fut joyeuse et rit de tout son cœur.
Gunar dit, indigné : — Malheur sur toi ! malheur !
Tu ne porteras pas bien loin ta triste joie ;
Du trépas, sur ton front, je vois l’ombre courir ;
Tu pâlis ; on dirait qu’Héla cherche une proie,
Il semble que tu vas mourir. —
Brunhilde répondit par un sombre murmure.
— Pourquoi ma destinée a-t-elle été si dure ?
Pourquoi vint-on m’arracher à mon sort ?
Que ne me laissait-on dans mon magique asile ?
Pourquoi troubler celle qui vit tranquille
Et réveiller celle qui dort ?
Mon cœur n’est point changeant ; jusqu’à ce moment même
Je n’ai jamais aimé qu’un guerrier, et je l’aime ;
On me l’avait ravi, je l’aurai par la mort. —