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pédique. J’entame la démonstration par les idées religieuses.

En France, monsieur, l’impétueuse aversion du dix-huitième siècle pour tout ce qui touchait à la religion a laissé dans les esprits des traces profondes qui ont leur raison et leur justice : comme la religion s’était perdue dans l’idolâtrie d’intérêts et de passions égoïstes, elle avait été enveloppée dans la proscription de ces passions et de ces intérêts ; joignez à cela la marche de l’esprit humain qui converge sans relâche à l’explication des choses, et dont l’impatience préfère s’accommoder d’une solution imparfaite, que de n’en produire aucune. Aussi jusque dans ces derniers temps, on considérait généralement la religion comme une fourberie politique, comme une ruse ourdie systématiquement par quelques hommes supérieurs qui menaient les peuples. Cette opinion voulait être élargie, redressée ; elle était un progrès sur l’aveuglement de la foi à une révélation littérale, puisqu’elle tendait à restituer à l’homme sa puissance ; mais elle contrariait ouvertement les lois de sa nature qui répugne à ce qu’elle croit faux, et se laisse entraîner vers la vérité par une analogie qui fait sa gloire. L’homme ne se nourrit pas volontairement de l’erreur, et ne la distribue pas à ses semblables, même quand il la croirait salutaire. On s’était donc trompé en faisant de la religion une fiction ménagée avec art aux yeux des peuples ; il y avait à ramener les esprits à une explication plus vraie, plus naturelle.

À cette œuvre il fallait employer beaucoup de franchise et de simplicité, parler à l’esprit humain au nom de l’esprit humain, lui démontrer qu’il recelait en lui-même plus de grandeur qu’il ne supposait, puisque ces croyances, ces symboles, ces religions avec leurs établissemens et leur continuité, leurs mythologies et leurs mystères, sortaient de sa propre pensée ; c’était la nature de l’homme qu’il fallait approfondir, pour mieux la convaincre ; il y avait, pour ainsi dire, à la convertir par elle-même ; la grâce efficace était dans sa propre conscience. Mais au lieu de cette sincérité, j’aperçois des menées inconcevables ; je vois des philosophes qui s’érigent en prophètes ; ils appellent religion nouvelle quelques opinions philosophiques à