Page:Revue des Deux Mondes - 1832 - tome 7.djvu/485

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
481
LETTRES PHILOSOPHIQUES.

Nous trouvons ici le lieu de la politique et de l’économie politique du saint-simonisme. Dans le dessein de soulager les classes laborieuses, il innova dans la théorie et l’assiette de l’impôt ; il proposa ce thème à la science économique : « Pourvoir les services publics de manière à ce que l’impôt ne trouble point la production, à ce qu’il atteigne principalement les revenus indépendans de tout travail, et enfin à ce que son recouvrement s’effectue avec la plus grande économie possible de capitaux et de forces. » Le saint-simonisme montra encore les fictions de l’amortissement, émit des idées praticables sur le taux des fermages, des loyers, des intérêts et des salaires ; il proposa la transformation et le perfectionnement des banques, la centralisation des banques les plus générales en une banque unitaire, directrice, la spécialisation de banques particulières.

Dans l’Exposition de la doctrine saint-simonienne, je lis que l’industrie et la propriété sont à-peu-près identiques ; d’abord, je ne connais pas de quasi-identité ; et puis voilà le germe de l’aberration sur le droit d’héritage qui a fait tant de bruit. Je ne reviendrai pas, monsieur, sur la propriété ; je me confie à vos souvenirs, et d’ailleurs il importe ici, plutôt que de remuer encore un problème isolé, d’indiquer la source de toutes les erreurs où s’est précipité le saint-simonisme dans l’ordre politique. Il s’est surtout trompé parce qu’il a manqué du sentiment du droit et de la liberté : tantôt ç’a été le panthéisme avec ses espaces infinis, tantôt l’industrialisme avec ses richesses et ses jouissances qui lui a fait perdre la notion du temps et de la liberté, et l’a jeté dans un matérialisme où dogmatiquement la dignité humaine était sacrifiée au bien-être. De là ce mépris de l’individualité dans les utopies parodiées qui devaient réaliser l’association universelle ; de là des déclamations où l’on enveloppait dans la même censure une légalité défectueuse, et le principe même du droit et des constitutions politiques ; de là une servilité hypocrite envers le pouvoir ; de là un abandon cynique des conquêtes et des idées de notre révolution ; pas le moindre instinct politique ; la société dans un temps marqué devait s’organiser en une théocratie manufacturière. Je