Page:Revue des Deux Mondes - 1832 - tome 7.djvu/50

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
46
REVUE DES DEUX MONDES.

traduisit et on composa des poèmes satiriques, dirigés contre les abus de la papauté ; à l’exemple de ces beaux chants sacrés dont Luther et les premiers réformateurs édifièrent l’église nouvelle, on eut des livres de psaumes en langue nationale et des cantiques, dont quelques-uns sont arrivés de recueil en recueil jusqu’à nos jours, et se chantent encore presque sans altération dans les églises de Copenhague. Dès-lors se prononçait ce double caractère de la littérature danoise, qu’elle a toujours conservé depuis : d’une part une humeur comique et railleuse, de l’autre une tendance religieuse, exaltée, mystique. La première fut représentée dans la suite par Holberg et Vessel, la seconde par Ewald et Œlenschlœger ; toutes deux, combinées d’une manière bizarre, ont produit le talent moqueur et enthousiaste, rêveur et bouffon du pauvre Baggesen.

Parlons aujourd’hui d’Holberg.

Holberg parvint à l’âge de trente ans sans se douter de sa vocation poétique. Durant cette période de sa vie, qui, à son insu, préparait l’avenir de son talent, sa destinée fut constamment incertaine, errante, agitée. Il commença par être caporal et finit par être professeur de métaphysique, singulier chemin pour arriver à être le Molière de son pays.

En lisant la piquante biographie d’Holberg, écrite par lui-même, on voit que l’unique passion de sa jeunesse fut un besoin irrésistible de voyager. Nous ne connaissons pas cette impatience curieuse qui toujours a porté les hommes du Nord à sortir de leur pays, pour connaître le monde, pour aller voir le soleil.

La lecture d’un journal de voyage fait quitter brusquement à Holberg, âgé de vingt ans, une situation assez avantageuse et Bergen sa patrie, malgré les représentations de ses amis et la colère de ses parens.

Il va à Amsterdam, n’ayant que 60 écus pour toute ressource : il est bientôt obligé de revenir en Norwége et d’y enseigner quelque chose qui passait pour du français. On va voir qu’il n’en jugeait pas plus avantageusement lui-même. Un Hollandais étant venu dans la ville de Christiansand, où il était alors,