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générale, savoir que les originaux, les modèles des romans chevaleresques furent composés en vers.

Maintenant, revenant aux deux classes de ces romans, il est facile d’observer qu’il y a entre tous ceux, ou la plupart de ceux de chacune, une certaine liaison, certains rapports de sujet, de temps et de lieu. Presque tous ceux de Charlemagne, par exemple, roulent sur les incidens réels ou supposés d’une seule et même guerre, de la guerre des princes Carlovingiens contre les Arabes d’Espagne. Dans chacun de ces romans, ce sont les mêmes héros qui agissent. Dans chacun, il est fait allusion à d’autres plus anciens, auxquels il semble se rattacher, dont il semble être une continuation, un appendice. Il en est de même des aventures de la Table ronde : les chevaliers errans qui y figurent sont tous contemporains, tous chevaliers d’un seul et même chef qui est Arthur ; tous parens, amis, ennemis ou rivaux entre eux. — En un mot, les romans de chaque classe roulent, pour ainsi dire, dans un même cercle, autour d’un point fixe commun. En ce sens, on peut les regarder comme des parties distinctes, comme des épisodes isolés d’une seule et même action ; c’est dans ce sens que l’on a dit qu’ils formaient des cycles, et que l’on a parlé des romans du cycle de la Table ronde, de ceux du cycle de Charlemagne. Mais cette liaison qu’ont entre eux les divers romans de la même classe, est on ne peut plus vague, et purement nominale. Elle ne s’étend point à la substance même, à la partie originale et caractéristique des romans. Dans celle-ci, chaque romancier suit son imagination ou son caprice, sans s’inquiéter d’accorder ses fictions aux fictions de ses devanciers, d’arrondir ou de troubler le cycle dans lequel il est enfermé, comme malgré lui.

Mais, dans ces cycles vagues et généraux, il s’en forma de partiels, qui avaient plus de réalité, et dont l’existence a plus d’importance dans l’histoire de l’épopée du moyen âge.

Tant que les romanciers eurent de la jeunesse, de la vigueur d’imagination, ils ajoutèrent des fictions nouvelles aux anciennes, des romans à des romans, sans s’inquiéter du désordre,