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ayant fait une descente en Italie à la tête d’une formidable armée, marcha sur Rome, la prit d’assaut, la pilla, la ravagea de fond en comble, et en enleva ces glorieuses reliques de la passion, qu’il porta avec lui en Espagne. — Cette expédition prétendue fut le sujet d’un ou de plusieurs romans aujourd’hui perdus, mais auxquels font allusion de la manière la plus formelle d’autres romans encore subsistans, qui en sont comme la continuation et le dénoûment.

Tel est du moins le roman fameux de Ferabras, l’un de ceux dont j’aurai à vous parler en détail. — Ce roman roule exclusivement sur une grande expédition de Charlemagne contre les Sarrasins d’Espagne, expédition ayant pour but de reprendre, sur l’émir Balan, les reliques que celui-ci avait enlevées de Rome.

Ces divers romans peuvent être regardés comme la suite, comme le développement de la fiction de la conquête de Jérusalem par Charlemagne. Les suivans se rattachent d’une manière plus expresse et plus particulière aux guerres entre les Gallo-Franks et les Arabes d’Espagne.

De ceux-là, les premiers et les plus célèbres furent ceux auxquels donna lieu la déroute de Roncevaux.

Cette fameuse déroute laissa, dans l’imagination des populations de la Gaule, des impressions dont la poésie populaire s’empara de bonne heure. De tous les argumens épiques du moyen âge, c’est celui dans lequel on peut observer le mieux les formes diverses sous lesquelles la plupart de ces argumens se sont produits successivement. On peut reconnaître qu’il n’y eut d’abord, sur ce sujet, que de simples chants populaires : on trouve plus tard des légendes dans lesquelles ces chants ont été liés par de nouvelles fictions, et à la fin de vraies épopées où tous ces chants primitifs et ces dernières fictions sont développés, remaniés, arrondis, avec plus ou moins d’imagination et d’art, parfois altérés et gâtés. C’est un point sur lequel je reviendrai à propos des formes et du caractère poétiques des romans du cycle carlovingien ; je n’en considère pour le moment que la matière et les sujets, que les rapports avec l’histoire ou avec les traditions historiques.