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nées à être chantées. Ç’auraient été du temps, de la patience et de l’imagination employés en pure perte. Quand ils se donnaient la peine de développer une action principale sur un plan étendu, varié ; de coordonner tant bien que mal de nombreux incidens liés par elle, ils avaient indubitablement en vue de faire une chose qui fût aperçue, qui fût appréciée, qui servît. Or, cette vue suppose de toute nécessité, pour leurs ouvrages, la chance d’être lus de suite et en entier, indépendamment de celle qu’ils avaient d’être chantés.

De tout cela, il résulte clairement une chose : c’est que, dans la plupart des romans du cycle carlovingien, tels qu’ils nous restent aujourd’hui, la formule initiale qui les désigne comme devant être chantés, comme expressément faits pour l’être, n’a plus cette signification absolue, et ne doit plus être entendue à la lettre. — C’est évidemment une formule imitée de compositions antérieures auxquelles elle convenait plus strictement, pour lesquelles elle avait été d’abord trouvée et employée. — Ce n’est déjà plus qu’une sorte de tradition poétique d’une époque antérieure de l’épopée, d’une époque où les romans carlovingiens étaient réellement chantés, et d’un bout à l’autre, soit de suite, soit par parties, et où, par conséquent, ils n’excédaient pas une étendue assez médiocre. Si quelques-uns des romans qui nous restent appartiennent à cette ancienne, à cette première époque de l’épopée carlovingienne, c’est un point particulier sur lequel je pourrai revenir, et dont je ferai, pour le moment, abstraction. Mais je n’hésite point à affirmer qu’ils sont perdus pour la plupart, et perdus depuis des siècles. Ainsi, nous arrivons, par une preuve nouvelle, par une preuve certaine, bien qu’implicite, à un fait dont nous avions déjà une autre preuve ; ce fait, c’est qu’il y a eu, sur les diverses parties du cycle carlovingien, des romans épiques plus anciens que ceux que nous avons aujourd’hui, en général beaucoup plus courts, et par conséquent d’une forme plus simple, plus populaire, plus primitive, s’il est permis de s’exprimer ainsi. C’étaient, selon toute apparence, du moins en grande partie, ces mêmes romans que nous venons de voir tout-à-l’heure dénoncer comme mensongers par les au-