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ROMANS CARLOVINGIENS.

Et Marchegay est mort, à sa fin est alé.
Dès long-temps l’ont mangé les chiens dans un fossé.
Il ne pouvait plus courir, il était tout lourdaut. —
Quand Élie l’entend, peu s’en faut qu’il n’enrage :
Il a pris un bâton avec sa sauvage fierté,
Il a couru sur lui, et le voulait tuer.
— Glouton, lui dit le duc, mal l’osâtes-vous dire
Que Marchegay soit mort, mon excellent destrier.
Jamais autre si bon ne seroit retrouvé.
Sortez hors de ma terre, vous n’en aurez jamais un pied.
Cuidez-vous, faux couart, glouton démesuré,
Pour vos chausses de soie et pour vos souliers peints,
Et pour vos blonds cheveux, que vous faites tresser,
Être vaillant seigneur, moi musart appelé ? —
Lors les barons de France se mettent à plaisanter.
Le roi Louis lui-même en a un ris jeté.
Quand Aiol vit son père à lui si courroucé,
Rapidement et tôt lui est aux pieds alé.
— Sire, merci pour Dieu ! dit Aiol le brave ;
Le cheval et les armes vous puis-je encor montrer. —
Il les fait toutes alors sur la place apporter,
Il les a richement toutes fait bien orner,
Et d’or fin et d’argent très richement garnir.
Et devant il lui fit Marchegay amener.
Le cheval était gras, plein avait les côtés ;
Car Aiol l’avait fait longuement reposer.
Par deux chaînes d’argent il le fait amener.
Élie écarte un peu son vêtement d’hermine,
Et caresse au cheval le flanc et les côtés.

Je n’insiste point sur la différence qu’il y a entre cette tirade et la précédente, tant pour la rédaction que pour les sentimens et les idées ; cette différence est si frappante, qu’elle n’a pas besoin d’être démontrée.

Ce sont parfois les tirades de début, c’est-à-dire celles qui, comme je l’ai expliqué, sont formulées d’une manière uniforme, qui sont doubles et diverses entre elles. Je vous en citerai un exemple tiré d’un roman que je dois, par la suite, vous faire connaître en détail, le roman de Ferabras. Ce roman a deux débuts, dont chacun forme une tirade distincte de l’autre. Voici les sept premiers vers de l’une :