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ter ensemble les chants épiques morcelés par les rapsodes. — Mais, encore une fois, c’est une discussion que je ne puis suivre ici, et je reviens à mon sujet.

De certaines formes, de certains traits caractéristiques de ceux des romans carlovingiens qui nous restent aujourd’hui, j’ai déduit précédemment, comme une conséquence obligée, que ces romans ne pouvaient pas être qualifiés de primitifs, dans le sens absolu de ce mot. — J’ai fait voir qu’ils avaient été précédés d’autres romans sur les mêmes événemens, ou les mêmes personnages, et que ces derniers, plus anciens, et, par cela seul, plus simples et mieux assortis à leur destination populaire, s’ils n’étaient point la forme primitive de ces épopées, devaient du moins s’en rapprocher plus que les autres.

Les fragmens dont je viens de signaler l’existence sont une nouvelle preuve de ce fait, et la plus péremptoire de toutes ; car ces fragmens appartiennent de toute nécessité à quelques-uns de ces romans carlovingiens, qui ont précédé ceux que nous connaissons aujourd’hui. Or, de ces fragmens intercalés, il y en a dans les plus anciens de ces derniers romans : il y en a, par exemple, dans l’un des trois que l’on connaît sur Gérard de Roussillon, et dans celui des trois qui en est incontestablement le plus ancien ; car tout oblige ou autorise à en mettre la composition dans la première moitié du douzième siècle. Il ne serait donc pas impossible que quelques-uns des fragmens qui s’y trouvent intercalés remontassent jusqu’au commencement de ce même siècle, ou même jusqu’au siècle précédent. Dans tous les cas, l’existence des fragmens de ce genre recule toujours plus ou moins, pour nous, l’époque de l’origine de l’épopée carlovingienne.

Mais cette origine, ainsi reculée, n’en devient que plus obscure. Rien, en effet, ne nous indique si, parmi ces romans perdus auxquels font allusion ceux qui nous restent, ou dont ils contiennent des fragmens, se trouvent les types du genre, ceux auxquels conviendrait strictement le titre de primitifs. Rien même ne nous apprend quels sont, entre tous ces monumens plus ou moins anciens, existans ou perdus, ceux où l’on