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D’ailleurs, dans sa préface, il paraît s’être jugé lui-même à-peu-près dans le même sens. Il donne son livre pour un extrait de ses lectures. C’est beaucoup mieux et beaucoup plus qu’un extrait ; mais il semble indiquer qu’il n’a pas eu la prétention de composer un poème, et c’est aussi notre opinion.

Quant à la question historique qu’il a soulevée, je déclare que la polémique engagée à cet égard ne me paraît pas avoir réfuté la solution qu’il propose dans les formes les plus modestes, puisqu’il conclut sa théorie par le plus sceptique de tous les vers de don Juan, en nous priant seulement de « supposer cette supposition. » Il considère la Saint-Barthélemy comme une boutade improvisée, et nie formellement que le coup d’état ait été prémédité long-temps à l’avance. Des exemples récens, qu’il ne pouvait pas invoquer, auraient donné à sa négation une grande autorité. Entre la conduite de Charles ix, en 1572, et celle de Charles x, en 1830, il y a bien quelque analogie, lointaine, si l’on veut, mais du moins très intelligible. La défense du premier contre les huguenots, et celle du second contre les démocrates, avaient acculé les deux rois à la nécessité d’un coup d’état. Mais cette nécessité, à laquelle ils ont cédé, l’avaient-ils prévue ? Charles x pressentait-il à Reims, en 1825, ce qu’il comprenait à peine cinq ans plus tard, à Saint-Cloud ? Des deux côtés, je penche fort pour la négation.

L’épigraphe de Rabelais, placée en tête du roman, explique assez bien comment l’auteur comprend la moralité des actions humaines. Il est certain que l’ignorance atténue singulièrement la culpabilité. Et c’est pourquoi le massacre des janissaires est peut-être une faute moins grave que le renvoi de lord Grey ; car on peut raisonnablement supposer que Guillaume iv est plus éclairé que Mahmoud.

Faut-il regretter que Prosper Mérimée n’ait pas franchement abordé 1572 ; qu’au lieu de prendre la date, il n’ait pas pris le sujet ? Je ne sais. Peut-être son amour excessif de la vérité l’empêchera-t-il toujours de toucher à l’histoire. Réservé comme il l’est, il doit rougir de toutes les profanations du passé qui se multiplient effrontément depuis quelques années. S’il pouvait