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ROMANS DE LA TABLE RONDE.

montent pas si haut ; ils n’atteignent pas cet élément naturel et primitif de la plus ancienne épopée. Les premières compositions de cette classe durent être des compositions déjà assez développées et raffinées, l’œuvre de poètes de profession, de troubadours ou de trouvères plus ou moins cultivés. Le fond n’en était pas, comme celui des premiers romans carlovingiens, emprunté à une poésie antérieure toute populaire.

J’ai parlé, avec un certain détail, de cette singularité de divers manuscrits de romans du cycle carlovingien, qui donnent le texte de ces romans entremêlé de fragmens plus ou moins nombreux d’autres romans sur les mêmes sujets. Je n’ai rien observé de semblable dans aucun des romans de la Table ronde. — Les manuscrits qui contiennent ces romans en donnent le texte de suite, sans interpolation d’aucune espèce, sans mélange d’aucun fragment étranger, de rien qui puisse être soupçonné de provenir d’une autre composition sur le même argument. Ainsi chaque manuscrit d’un roman de cette classe nous le présente tel qu’il a pu sortir des mains de l’auteur, tel que l’auteur l’aurait copié, s’il l’eût copié lui-même. À raison de cette circonstance, le texte des romans de la Table ronde serait, en général, beaucoup plus facile à publier que celui de tel roman carlovingien, où, entre plusieurs versions d’un seul et même morceau qu’il est impossible d’attribuer au même auteur, on éprouve à chaque instant la difficulté de décider lesquelles de ces versions forment la véritable suite de l’ouvrage.

Maintenant, une question curieuse qui se présente naturellement à la suite des observations précédentes, c’est de savoir quel était le mode ordinaire de publication des romans de la Table ronde ; étaient-ils destinés à être chantés, comme les romans carlovingiens, ou bien y a-t-il plus d’apparence qu’ils fussent faits pour être lus ?

Rien d’abord dans le texte de ces romans n’indique, même de la manière la plus vague et la plus indirecte, qu’ils fussent faits pour être chantés, pour circuler au moyen du chant. Je ne puis affirmer, ne l’ayant pas observé avec assez d’exactitude, que ces romans de la Table ronde ne fussent jamais, comme ceux du