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MŒURS DES AMÉRICAINS.[1]


DEUXIÈME ARTICLE.

Nous l’avons dit au début de ces extraits et nous le répétons, rien ne se développe avec plus de logique que les conséquences pratiques d’un principe. Mettez seulement une idée dans la tête d’un peuple et laissez-lui faire : sans que personne s’en mêle, sans que personne s’en doute, des milliers de syllogismes, dont personne n’aura conscience, vont extraire de cette idée des milliers de conséquences rigoureuses, dont le philosophe le plus subtil ne se serait point avisé ; ces conséquences, une fois mises au monde, vont à leur tour en engendrer des milliers d’autres, qui deviendront fécondes à leur tour ; et de proche en proche, sans autre auxiliaire que le temps, par un progrès tacite, mais aussi régulier qu’irrésistible, l’esprit contenu dans l’idée-mère va s’infiltrer dans toutes les parties du corps social, teindre de sa couleur les moindres détails de la vie publique et privée, modifier toutes les idées, altérer toutes les habitudes, transformer toutes les institutions ; personne ne l’a vu passer et il est partout ; personne ne l’a senti se répandre et il inonde tout ; l’insecte le plus fécond est moins fécond, le poison le plus subtil est moins subtil ; bien aveugles sont les hommes qui se tourmentent pour un principe qui entre dans le monde, qui suent sang et eau de peur qu’il

  1. Domestic manners of the Americans, by mistress Trollope. Voyez la livraison du 15 juin.