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exercent leur autorité de la manière la plus absolue. La désobéissance à leurs ordres est punie de mort.

Ces Indiens disent que leur nation a été régie de temps immémorial par cette forme de gouvernement, et qu’elle n’est point d’origine européenne, comme on l’a prétendu. Ce gouvernement présente, d’ailleurs, de grands avantages ; l’action en est prompte et tend au bien-être général. Celui qui est né pour gouverner, le sachant dès son enfance, s’y prépare et fait tout ce qui dépend de lui pour s’en rendre digne. On le reconnaît parmi les autres jeunes gens du même âge à sa gravité et à sa réserve ; rien n’égale sa docilité envers ses supérieurs, sa politesse et ses égards pour ses égaux ; mais il est vrai de dire que l’air de supériorité qu’il prend avec la classe du peuple, rappelle la morgue de nos aristocrates d’Europe. Les femmes prennent le même ascendant sur les personnes de leur sexe, que les chefs sur les hommes. La fille d’un chef ne s’allie jamais à un individu d’un rang inférieur au sien. En un mot, l’orgueil de la naissance est aussi profondément enraciné dans les cœurs des nobles Winnebagos qu’il l’est dans les familles des petits princes d’Allemagne.


Les poissons volans. — De tous les signes qui annoncent l’entrée dans les mers tropicales, il n’en est point de plus caractéristique, dit le capitaine Hall, il n’en est pas qui frappe plus vivement l’imagination que l’apparition des poissons volans. À la vérité, on en trouve quelquefois beaucoup plus au nord, mais ce sont de petites bandes qui ne font dans l’air que de très courts trajets, et qui semblent tout-à-fait dépaysées ; elles ont été, en effet, suivant toute apparence, entraînées loin de leurs eaux natales par cet immense courant d’eau chaude qu’on nomme le Gulf-Stream, et ce n’est réellement que lorsqu’on est en pleine zone torride qu’on voit dans tout leur beau les poissons volans.

Quelque familiarisé qu’on soit avec le spectacle de leurs gracieuses évolutions, dit l’écrivain auquel nous empruntons ce passage, on n’y devient jamais insensible ; il en est d’eux comme d’un beau jour ou d’une agréable compagnie, on en sent mieux la valeur à mesure qu’on en a joui plus long-temps. Je puis affirmer que, dans le cours de mes voyages, je n’ai jamais rencontré un homme assez indifférent ou assez stupide pour que son œil n’étincelât pas de plaisir en voyant une compagnie, j’allais dire une couvée, de poissons volans s’élancer du sein des eaux et raser la surface en suivant toutes les ondulations des vagues. C’est quelque chose de si singulier, de si différent de ce que l’on a partout ailleurs, que l’habitude de le voir ne détruit jamais l’étonnement. On se sent tout disposé à excuser l’incrédulité de la bonne vieille Écossaise, qui disait à son fils, au retour d’un long voyage : « Contez-moi que vous avez rencontré des rivières de lait, des montagnes de sucre, je ne dirai pas non, mais que vous ayez vu des poissons voler, c’est ce que vous ne me ferez jamais croire. »

Les poissons volans, malgré toutes leurs grâces, sont des êtres très peu favorisés de la nature, et ils sont poursuivis avec un égal acharnement dans l’air