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gnées de sanglots, de gémissemens, et d’une sorte de hurlement sourd, dont l’effet sur l’oreille est inexprimable. Cependant mon attention ne s’arrêta pas long-temps sur le prêcheur et sur ceux qui l’environnaient : elle fut bientôt entièrement absorbée par une figure isolée qui était à genoux au milieu de la tente. C’était la vivante image du Mac-Briar de Walter Scott, aussi jeune, aussi sauvage, aussi terrible. Ses bras amaigris étaient étendus au-dessus de sa tête avec tant de violence, qu’ils sortaient des manches de son habit, nus jusqu’au coude. Ses larges yeux étaient fixes et glacés. Il répétait dans un moment de relâche le mot gloire ! et avec une véhémence qui gonflait ses veines de manière à les rompre. Ce spectacle était trop affreux. Nous ne pûmes le supporter long-temps, et nous nous éloignâmes en frémissant.

« Nous fîmes le tour des tentes en nous arrêtant près de celles d’où partaient des sons plus bizarres ou plus violens. Nous réussîmes à entrevoir ce qui se passait dans plusieurs : c’était partout la même scène. Toutes étaient garnies d’un lit de paille, et les horribles figures, assises, agenouillées ou couchées, qu’elles renfermaient, jointes aux cris convulsifs qui en partaient, leur donnaient à toutes l’air d’autant de cellules de Bedlam.

« Une de ces tentes était exclusivement remplie de nègres. Ils étaient tous en habit de fête, et avaient parfaitement l’air de gens qui jouent la comédie sur un théâtre. Une femme portait une robe de gaze rose, garnie d’une dentelle d’argent ; une autre était en robe de soie jaune pâle ; deux avaient de magnifiques turbans sur la tête ; toutes étaient couvertes d’une profusion d’ornemens. Les hommes étaient en pantalons blancs avec des gilets de couleur. Un de ces derniers, jeune homme fort agréable dans son espèce, débitait un discours avec les gestes les plus outrés, s’élançant de terre de temps en temps et frappant des mains par-dessus sa tête. Si nos sociétés de missionnaires eussent entendu les belles choses qu’il adressait à Dieu en guise de prière, peut-être auraient-elles douté que sa conversion eût éclairé son esprit.

« Cependant minuit arriva ; le son du cor retentit dans le camp ;