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rayons qui s’échappaient du trône britannique, bien peu traversaient l’océan et venaient luire sur eux ; ils ne savaient rien de nos rois et de nos héros ; ils ne s’y intéressaient pas : leurs grands hommes à eux étaient leurs plus habiles négocians. Nos savantes universités n’étaient à leurs yeux que des foyers de superstition, la splendeur de notre aristocratie qu’un faux éclat entretenu par leur or ; la richesse, la science, la majesté de l’Angleterre, leur importaient peu ; le droit de marcher dans leur propre voie, beaucoup.

« Ce droit, peut-on les blâmer d’avoir voulu le conquérir ? Cette conquête, peut-on regretter qu’ils aient réussi à la faire ? Et le lendemain de leur triomphe que leur restait-il à faire et que firent-ils ? Les anciens de la nation se rassemblèrent, et dirent : « De quoi s’agit-il ? Il s’agit de nous donner un gouvernement qui nous convienne : qu’il soit donc et rude et austère et turbulent comme nous ; qu’il n’affecte ni la dignité, ni la gloire, ni la magnificence ; qu’il ne contrarie la volonté, qu’il ne s’interpose dans les affaires de personne ; n’ayons ni dîmes ni impôts, ni lois de chasse ni taxes des pauvres ; que tout citoyen participe à la confection de la loi, et qu’aucun ne soit trop rigoureusement tenu de la respecter ; que la pourpre ne couvre point nos magistrats, ni l’hermine nos juges ; si un homme devient riche, arrangeons-nous pour que son petit-fils soit pauvre, et ainsi nous maintiendrons l’égalité ; que chaque citoyen prenne soin de lui-même, et si l’Angleterre vient de nouveau nous attaquer, alors chacun combattant pour soi, nous saurons s’il est dans notre destinée de vaincre ou de succomber. »

« Pouvait-on, je le demande, imaginer rien de plus parfait qu’un tel gouvernement pour un tel peuple ? Il n’est donc pas étonnant qu’il en soit satisfait, et il l’est encore moins que des gens accoutumés à la tranquillité d’un autre ordre de choses, convaincus que par cet ordre de choses leur patrie peut être heureuse et prospérer sans le secours des bavardages et des cris, des froissemens et des luttes dont l’Amérique est le théâtre, remercient Dieu avec ardeur de n’être point républicains.

« Jusque-là donc tout est bien. Que les Américains préfèrent une constitution qui leur convient si bien à d’autres qui ne leur conviennent pas du tout, ils sont dans leur droit, et nous n’y voyons rien à reprendre ; que, d’autre part, nous ne nous sentions aucune inclination à échanger des institutions qui nous ont fait ce que nous sommes, contre aucun autre système de gouvernement possible, ils devraient à leur tour et le trouver bon et le comprendre.

« Mais lorsqu’un Européen visite l’Amérique, il n’en est pas ainsi. Une tyrannie de la nature la plus extraordinaire s’appesantit sur lui ; une ty-