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REVUE. — CHRONIQUE.

se recommande. Seulement, dans cette dernière peinture, l’artiste, que ne préoccupe plus, comme dans l’autre, le soin de reproduire fidèlement la manière et les tons d’un ancien tableau, et qui ne demande de modèle qu’à la nature et à son imagination, leur emprunte des couleurs encore plus éblouissantes. Aussi le Lutin d’Argail, si léger qu’en soit le fond, avec ses merveilleux détails, restera l’un de nos chefs-d’œuvre de grâce, d’élégance et de délicatesse.

Parmi les contes et nouvelles, et autres morceaux de moindre étendue, qui ont été réimprimés dans cette nouvelle édition, il faut distinguer l’histoire d’Hélène Gillet. Ce drame pathétique est encore un éloquent plaidoyer contre la peine de mort. Non plus que M. Victor Hugo, M. Charles Nodier n’a point voulu manquer à la défense de cette belle cause ; il s’est hâté de venir appuyer de ses conclusions celles déjà prises par son jeune confrère au barreau poétique.

Avant de parler de la Fée aux Miettes, nous exprimerons le regret de ne point voir le Roi de Bohême figurer dans cette réimpression. Si ce curieux livre, l’un des plus distingués qu’ait écrits son auteur, n’a guère réussi que chez les artistes ; je dirai mieux, si l’on ne s’est point ailleurs donné la peine de le comprendre et de le juger, c’est que vraiment il s’est trouvé trop cher pour être acheté, et par conséquent pour être lu. La faute en était surtout à l’éditeur, d’ailleurs si éclairé et si consciencieux, qui l’avait publié. Il avait fait une édition de luxe, un riche volume, magnifiquement imprimé, et dignement illustré par le crayon si finement spirituel de Tony Johannot ; aussi l’a-t-il à peine vendu. C’était donc le cas, ce me semble, de réimprimer le Roi de Bohême, et de le donner au public à meilleur compte. Il se serait très-fort accommodé, je vous assure, d’un bel ouvrage à bon marché.

Quoi qu’il en soit, voici la Fée aux Miettes, une reine aussi, quelque peu sœur du Roi de Bohême.

L’histoire de la Fée aux Miettes est une folle histoire, racontée par un fou dans un hospice de fous. Donnerons-nous l’analyse de ce joli conte ? Cela nous serait, en vérité, bien malaisé. Comment analyser un rêve ? Nous vous dirons bien, si vous voulez, que dans celui-là toute l’action se passe entre un jeune charpentier, nommé Michel, et une petite vieille naine ; que cette petite vieille, mendiante et Fée aux Miettes de son état, est en outre pourvue de deux dents démesurément longues, ce qui ne l’empêche point de toucher le cœur du jeune homme, et d’obtenir de lui une promesse de mariage en forme. Nous vous dirons encore que ces deux amans, après s’être sauvé la vie mutuellement, je ne sais plus combien de fois, finissent par s’épouser. Ne plaignez pas cepen-