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ces poètes avaient traduit leurs doctrines en une sorte de mythologie qui en était l’expression symbolique.

Une notion plus détaillée de ces contes ou fragmens de contes serait ici hors de place, je ne voulais qu’en noter l’existence ; je me contenterai, pour me rapprocher de mon objet, d’ajouter que l’élégance singulière, la légèreté, la grâce et la facilité mélodieuse de ces petites compositions supposent nécessairement une longue culture du genre auquel elles se rapportent.

Je pourrais me dispenser de citer un fait général et abstrait, en preuve d’une opinion que je viens d’établir sur des faits spéciaux. Toutefois, ne sachant bien s’il peut y avoir des raisons superflues contre des erreurs accréditées et invétérées, je citerai aussi le fait dont je veux parler, d’autant mieux qu’il est par lui-même d’un certain intérêt pour l’histoire de la littérature provençale.

Les petits contes galans, folâtres ou sérieux, étaient si bien un des genres ordinaires de la poésie provençale des xiie et xiiie siècles, que les poètes qui les cultivaient formaient une classe à part, distinguée par un nom particulier des troubadours proprement dits. Dans son acception rigoureuse, ce mot de troubadour (trohaire en provençal) ne désignait que les poètes adonnés aux genres lyriques, et plus strictement ceux d’entre eux qui composaient des chants d’amour. Quant aux poètes adonnés à la composition de petites pièces de forme narrative, on leur donnait un nom équivalent à celui de nouvellistes. C’est ce qui résulte clairement d’une courte notice sur un poète provençal assez obscur, nommé Elias Fonsalada de Bergerac, en Périgord, qui fut, dit son vieux biographe, non pas un bon troubadour (trohaire), mais un (bon) faiseur de nouvelles (noellaire).

Après des preuves si diverses et si directes de la culture des genres de poésie narrative par les troubadours, j’éprouve une sorte d’embarras d’en avoir encore une à rapporter. Ce qui me rassure un peu, c’est qu’elle est frappante et n’est pas longue.

J’ai déjà parlé des jongleurs, ou chanteurs ambulans des compositions poétiques des troubadours. Tout ce qu’un troubadour pouvait faire, un jongleur devait le chanter ou réciter en public.