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au collége des pères de la foi ; moins heureux qu’à Milly, il y trouva cependant du charme, des amis qu’il garda toujours, des guides indulgens et faciles, auxquels il disait en les quittant :

Aimables sectateurs d’une aimable sagesse,
Bientôt je ne vous verrai plus !

Sans parler de tout ce qu’il y avait de primitivement affable dans la belle ame de Lamartine, on doit peut-être à cette éducation paternelle de Belley de n’y avoir rien déposé de timide et de farouche, comme il est arrivé trop souvent chez d’autres natures sensibles de notre âge. Après le collége, vers 1809, Lamartine vécut à Lyon, et fit, je crois, dès ce temps, un premier et court voyage d’Italie. Il fut ensuite à Paris, s’y laissa aller, bien qu’avec décence, à l’entraînement des amitiés et de la jeunesse, distrait de ses principes, obscurci dans ses croyances, jamais impie ni raisonneur systématique ; versifiant beaucoup dès-lors, jusque dans ses lettres familières, songeant à la gloire poétique, à celle du théâtre en

    des bois, nous était déjà obscurément familière avant que le poète nous la rendît vivante par le souffle harmonieux de sa parole. Il dégage en nous, il ravive, il divinise ces empreintes chères à nos sens, et dont tant de fois s’est peinte notre prunelle, ces comparaisons presque innées, les premières qui se soient gravées dans le miroir de nos ames. Nul effort, nulle réflexion pénible pour arriver où sa philosophie nous porte. Il nous prend où nous sommes, chemine quelque temps avec les plus simples, et ne s’élève que par les côtés où le cœur surtout peut s’élever. Ses idées sur l’Amour et la Beauté, sur la mort et l’autre vie, sont telles que chacun les pressent, les rêve et les aime. Sans doute, et nous nous plaisons à le dire, il est aujourd’hui sur ces points d’autres interprétations non moins hautes, d’autres solutions non moins poétiques, qui, plus détournées de la route commune, plus à part de toute tradition, dénotent chez les poètes qui y atteignent, une singulière vigueur de génie, une portée immense d’originalité individuelle. Mais c’est aussi une espèce d’originalité bien rare et désirable que celle qui s’accommode si aisément des idées reçues, des sentimens consacrés, des préjugés de jeunes filles et de vieillards ; qui parle de la mort comme en pense l’humble femme qui prie, comme il en est parlé depuis un temps immémorial dans l’église ou dans la famille, et qui trouve en répétant ces doctrines de tous les jours une sublimité sans efforts, et pourtant inouïe jusqu’à présent, etc. etc.. »