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DE LA CHINE.

et la malveillance de ceux qui, au lieu d’encourager ses travaux, les entravaient. Occupé alors d’études médicales qui remplissaient ses jours, il donnait au chinois ses nuits. Cette notice n’étant pas biographique, je n’entrerai pas dans le détail des difficultés qu’il eut à vaincre : j’y ai regret, car c’est toujours un attachant spectacle que celui d’une vocation énergique aux prises avec les obstacles qu’on ne manque jamais de lui opposer, et qui ne font que l’affermir en l’éprouvant. Je rappellerai seulement comme un fait curieux dans l’histoire de l’érudition française, que, vers le temps où M. Rémusat devinait, pour ainsi dire, le chinois, un autre savant s’initiait aux secrets d’une langue non moins difficile, le sanscrit, pour laquelle il n’existait point encore de grammaire. Quand la première, celle de Wilkins, parut, il se trouva en France un homme en état de la juger, et d’en relever les imperfections ; c’était M. Chézy, qui vient de suivre de si près Rémusat dans la tombe.

En 1811, M. Abel Rémusat fit paraître le premier résultat de cinq années d’études. C’était une brochure portant pour titre : Essai sur la langue et la littérature chinoise. Ce petit ouvrage, devenu assez rare, et que les travaux postérieurs de son auteur ont laissé bien loin derrière eux, n’en est pas moins curieux aujourd’hui, considéré comme leur point de départ. On sent bien dans quelques parties l’inexpérience et l’incertitude d’un premier essai ; on y rencontre même quelques inexactitudes : par exemple, les quatre livres moraux sont donnés comme formant, par leur réunion, le cinquième king ; cependant presque toutes les notions renfermées dans ce petit livre sont justes, et attestent déjà la pénétration et la sagesse de l’esprit qui les avait recueillies. Seulement elles sont exposées avec une certaine confusion, où l’on sent le désordre d’une acquisition récente, et un empressement bien naturel à publier des découvertes difficiles. Il est piquant de surprendre les mouvemens d’une admiration passionnée dans cet homme, dont plus tard nous n’avons connu que l’intelligence ferme et froide, et l’esprit tourné à l’ironie. Il cite avec complaisance quelques-uns des caractères dont la composition est la plus ingénieuse, tels que Ming, lumière, formé du soleil et de la lune réunis ; Chou, livre, exprimé par la clef du pinceau et celle de la parole, comme