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DE LA CHINE.

On doit considérer, comme un dédommagement de cette histoire littéraire de la Chine qu’avait conçue M. Rémusat, et qu’il n’a pas eu le temps d’achever, les notices biographiques sur quelques auteurs chinois, qu’il a rédigées d’après les sources nationales. Telles sont celles qui ont pour objet la famille des Sséma, famille vouée au ministère d’historien, comme à un sacerdoce héréditaire, qui, au second siècle avant Jésus-Christ, renouvela et perfectionna l’histoire presque aussi ancienne que l’empire. Environ cent ans auparavant (213), avait eu lieu le fameux incendie des livres. Dans ce pays, si plein de respect pour la tradition, il s’était rencontré sur le trône un esprit despotique et novateur tout ensemble ; il avait compris que la secte des lettrés, à l’aide des idées morales et politiques de Confucius, s’acheminait vers le pouvoir qu’ont mis entre ses mains dix siècles de plus d’efforts et de patience, et ne se souciant pas de partager avec eux l’autorité qu’il exerçait, ou de l’exposer à leur contrôle, il fit un jour brûler tous les livres et tous les lettrés qu’on put trouver. Comme Hoang-ti était un homme positif et pratique, il avait excepté les ouvrages de médecine, et de divination d’agriculture. Mais une mesure aussi atroce heurtait trop violemment des habitudes déjà enracinées pour pouvoir produire un effet durable. Le tyran mort, une réaction puissante se manifesta en faveur de la science qu’il avait proscrite. On déterra les ouvrages qu’avait enfouis la piété courageuse de quelques lettrés. D’autres s’étaient conservés dans la mémoire des vieillards, d’où les bourreaux n’avaient pu les aller arracher. C’est ainsi qu’ont été sauvés les Kings, les livres moraux de l’école de Confucius, et enfin tous les ouvrages qu’on possède, et dont la date est antérieure au iiie siècle avant J.-C. Mais que de trésors avaient péri !

Il fallut alors rassembler les débris des anciennes chroniques, recueillir les vestiges des vieilles traditions pour recomposer l’histoire. C’est ce que fit Ssé-ma-thsian, qu’on a appelé l’Hérodote de la Chine.

Les pertes causées par l’incendie des livres sont d’autant plus à déplorer pour l’histoire, que, de tout temps, chaque empereur, et même chaque prince indépendant, avait son historiographe ;