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Comment je lui livrai tout ; et que si tout ne m’est rendu,
Il n’y a plus d’homme que l’on puisse croire ;
Il n’y a plus de sincère et franche parole. »

Et là-dessus le cardinal se lève pour répondre en peu de mots ;
Il s’en vient au pape, et lui dit avec révérence :
« Seigneur, en tout ce qu’a dit le comte, il n’a pas menti d’une parole ;
Ce fut moi qui reçus le château, fort à merveille muni de tout ;
Ce fut moi qui le livrai à l’abbé de Saint-Tiberi,
À ce noble, preux et sage personnage,
Qui, en ma présence, y mit sa garnison.
J’atteste donc que le comte t’a fidèlement obéi et à Dieu. »

Alors se lève et se dresse ferme sur ses pieds,
Tout prêt à répondre (Folquet) l’évêque de Toulouse.
« Seigneurs, dit-il, vous avez tous entendu ce qu’a dit le comte,
Qu’il s’est départi et tenu à l’écart de l’hérésie ;
Et moi, je dis que c’est dans sa terre que l’hérésie
A poussé le plus de racines ;
Je dis que toute sa comté regorgeait d’hérétiques,
Et ces hérétiques, il les a aimés, accueillis et agréés.
La roche de Montségur fut fortifiée pour leur défense,
Et le fut de son consentement.
Sa sœur se fit hérétique à la mort de son époux,
Et passa plus de trois ans à Pamiers,
Où elle convertit maintes personnes à sa perverse doctrine.
(Et sache une chose, si tu l’ignores, seigneur pape) :
(Les croisés) tes pèlerins, qui avaient marché au service de Dieu,
Qui pourchassaient les hérétiques, les exilés vagabonds, les routiers,
Le comte en a tant massacrés, tant taillés en pièces,
Que leurs ossemens ont fait croûte sur la campagne de Montjoie ;
Que la France en pleure, et que tu en es honni.
Heureux encore ceux qu’il a tranchés par quartiers !
Mais de ceux qu’il a bannis, mutilés, aveuglés,
Qui ne peuvent faire un pas, s’ils n’ont guide qui les mène,
De ceux-là il en reste encore là-bas dehors, aux portes de la ville,
Qui n’ont pas fini de crier et de se lamenter.
Celui qui les a tués, tailladés, martyrisés,
Ne mérite plus de posséder terres. »

À ces paroles, Arnaut de Vilamur (le hardi) s’est levé ;
Tout le monde le regarde et l’écoute,
Et lui, sans s’effrayer, parle fièrement :