— Si fait, si fait, répondit celui-ci, je le sais.
— Eh bien !… qu’est-ce qui t’étonne alors ?… — Cappeluche se remit à la besogne.
— Vous ne savez donc pas, dit à son tour Gorju, le nom de celui qu’on exécute ?
— Non, répondit Cappeluche sans s’interrompre, cela ne me regarde pas, à moins que ce ne soit un nom de bossu ; alors il faudrait me le dire, parce que je prendrais mes précautions d’avance, vu la difficulté.
— Non, maître, répondit Gorju, le condamné a le cou comme vous et moi, et j’en suis bien aise parce que comme je n’ai pas encore la main aussi habile que la vôtre…
— Qu’est-ce que tu dis ?
— Je dis qu’étant nommé bourreau de ce soir seulement, ce serait bien malheureux si pour la première fois j’étais tombé sur…
— Toi bourreau ! dit Cappeluche l’interrompant et laissant tomber son épée.
— Oh ! mon Dieu, oui il y a une demi-heure que le prévôt m’a fait venir et m’a remis cette patente.
En disant ces mots, Gorju tira de son pourpoint un parchemin, et le présenta à Cappeluche ; celui-ci ne savait pas lire, mais il reconnut les armes de France et le sceau de la prévôté, et le comparant de souvenir avec le sien, il vit qu’il était exactement pareil.
— Oh ! dit-il, comme un homme abattu, la veille d’une exécution publique me faire cet affront !
— Mais il était impossible que ce fût vous, maître Cappeluche.
— Et pourquoi cela ?
— Parce que vous ne pouviez pas vous exécuter vous-même, c’est la première fois que ça se serait vu.
Maître Cappeluche commençait à comprendre ; il leva des yeux étonnés sur son valet, ses cheveux se dressèrent sur son front, et de leur racine tombèrent à l’instant même des gouttes de sueur qui descendirent le long de ses joues creuses.
— Ainsi donc, c’est moi ! dit-il.
— Oui, maître, répondit Gorju.