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REVUE. — CHRONIQUE.

par opposition au point de vue aristotélique ou critique, et de cette hauteur il passe en revue les divers systèmes, les opinions nombreuses que nous offrent en fait d’esthétique les littératures des peuples anciens et modernes. On pourrait lui reprocher peut-être de n’avoir posé sa propre théorie qu’en termes un peu trop généraux, de l’avoir acceptée plutôt que faite, et en même temps de s’en préoccuper assez pour ne nous donner ses expositions historiques que sous une forme parfois trop sommaire : il y a des endroits, en un mot, où l’on voudrait plus de développement philosophique ; il en est d’autres où l’on désirerait des analyses plus détaillées. Mais à part ce léger embarras, qui tient, nous le croyons, à la conception même de l’ouvrage, on ne trouvera nulle part ailleurs une réunion aussi bien choisie de documens et de jugemens sur les divers travaux de critique littéraire. M. Théry ne s’est pas borné, dans sa partie ancienne, aux monumens de l’antiquité grecque et latine ; il a fait un choix ingénieux dans les trésors moins connus de l’Orient, Chine, Inde et Perse. On sent à merveille l’écrivain bien informé qui a puisé aux sources les plus saines et les plus récentes. Des extraits piquans et de fidèles traductions, jetés à la fin du premier volume, complètent ce que les mentions du texte peuvent avoir de trop rapide. Dans son second volume, M. Théry aborde les littératures allemande et française, et les conduit jusqu’à nos jours, au point où les ont poussées les contemporains. On y suit avec intérêt et profit les phases successives du goût, qui se réfléchissent dans les systèmes des critiques et rhéteurs. De nombreux fragmens, tirés de la République des Lettres de Klopstock, nous montrent en plein quelle laborieuse et forte méditation a présidé à l’enfantement de la moderne poésie allemande. Dans ses jugemens sur notre France du dix-neuvième siècle, M. Théry fait preuve d’une bienveillance tempérée de justesse, et d’une impartialité sans morgue, qui marque un esprit progressif autant qu’une ame sympathique. Je lui sais gré, dans sa revue du dix-huitième siècle, d’avoir remis en honneur l’excellent Essai du père André. Les volumes de M. Théry sont écrits d’un style toujours élégant et simple.


LES DEUX CADAVRES, PAR M. FRÉDÉRIC SOULIÉ[1].

C’était une entreprise difficile et périlleuse que de placer la scène d’un nouveau drame sur le théâtre sanglant de la première révolution

  1. Chez Renduel.