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EXCURSION DANS L’OYAPOCK.

marche, nous conduisit dans un abatis récemment brûlé, où nous trouvâmes Waninika, capitaine des Oyampis, travaillant avec l’une de ses femmes. Celle-ci était dans l’état de pure nature et resta devant nous sans chercher à se couvrir, quoique son camisa fût à terre à côté d’elle. Cet usage est fréquent parmi les Indiennes Oyampis. Quand elles veulent travailler à la terre, elles quittent leur unique vêtement, sans doute pour être moins gênées dans leurs mouvemens ; car l’économie est une vertu si étrangère au caractère indien, qu’elle ne peut être la raison de cette coutume.

L’abatis que nous venions de rencontrer n’était pas celui où demeurait habituellement Waninika. Ce dernier était situé dix lieues plus haut dans la rivière. Les Indiens se fixent rarement pour un temps très-long dans le même endroit. Un événement funeste, tel que la mort de l’un d’eux, la rareté progressive du gibier et du poisson, ou un simple caprice, les font changer de place. Ils vont alors commencer une nouvelle plantation dans quelque endroit qui les aura frappés dans leurs voyages, souvent à dix, quinze et même vingt lieues de leur première demeure. Malgré cette distance et les difficultés de la navigation, ils vont y travailler assez souvent. Lorsqu’il s’agit ensuite de s’y installer définitivement, ce qui a lieu quand le manioc est en rapport, si quelque présage funeste se présente, tel que le passage d’un animal de mauvais augure[1] dans le carbet, ils vont un peu plus loin établir leur case, sans pour cela abandonner leur récolte. C’est par ces changemens successifs que les Oyampis se rapprochent peu à peu des blancs, et qu’ils finiront peut-être un jour par arriver au bas de la rivière. Le Camopi, qu’ils ont déjà atteint, n’est qu’à cinquante lieues de son embouchure.

Waninika était, il y a peu d’années, le chef le plus puissant de

  1. Certaines espèces d’animaux ne sont pas regardées d’un mauvais augure par tous les Indiens en général, et d’un commun accord ; chacun ne suit que son caprice à cet égard, et ce qui paraît funeste à l’un est indifférent pour un autre. Ceci a quelques rapports avec le tabou volontaire que s’imposent les naturels de la Polynésie, pour certains objets qu’ils choisissent à leur gré.