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VIII.

LE PONT DE MONTEREAU.


Le 11 juillet suivant, à sept heures du matin, deux troupes assez considérables, l’une de Bourguignons, sortant de Corbeil, l’autre de Français, venant de Melun, marchèrent l’une vers l’autre comme pour se livrer une bataille. Ce qui aurait pu donner plus de poids encore à cette supposition, c’est que toutes les précautions habituelles en pareille occasion avaient été strictement observées de chaque côté : les hommes et les chevaux étaient couverts de leurs armures de guerre ; les écuyers et les pages portaient les lances, et chaque cavalier avait à la portée de sa main, pendue à l’arçon de sa selle, soit une masse, soit une hache d’armes. Arrivées près du château de Pouilly, sur la chaussée des étangs du Vert, les deux troupes ennemies se trouvèrent en vue ; aussitôt de part et d’autre une halte fut faite ; les visières s’abaissèrent, les écuyers présentèrent les lances, et d’un mouvement unanime les deux troupes se mirent en marche, avec la lenteur de la défiance et de la précaution. Arrivées à deux traits d’arc à peu près l’une de l’autre, elles s’arrêtèrent de nouveau : de chaque côté, onze chevaliers sortirent des rangs, visière baissée, et s’avancèrent, laissant la troupe à laquelle ils appartenaient immobile derrière eux comme une muraille d’airain ; à vingt pas seulement les uns des autres, ils firent une nouvelle halte ; de chaque côté encore, un homme descendit de son cheval, en jeta la bride au bras de son voisin, et s’avança à pied dans cet espace libre, de manière à avoir fait, en même temps que celui qui venait à sa rencontre, la moitié du chemin qui les