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sur le trône, sous le titre de roi des Français ; et je dus penser au déménagement plus singulier encore qui se faisait alors sur les bancs de la chambre du Palais-Bourbon. Quel curieux spectacle je vis en effet à mon retour ! Toute l’ancienne droite avait disparu. L’orage qui avait emporté la vieille monarchie l’avait balayée avec elle. La Chambre, comme le pays, avait pris un aspect tout nouveau, et tout s’éclaircissait pour le plus ignorant, à la vue de cette salle de bois où l’on s’était hâté d’effacer, et assez grossièrement, les emblèmes de la royauté qui venait de périr. Depuis bien long-temps je n’avais pas fréquenté le lieu des séances de la Chambre. La dernière fois que j’étais allé faire visite à notre législature, c’était sous le régime de la restauration. Je l’avais trouvée commodément établie dans un vaste amphithéâtre où éclataient partout l’or et le marbre ; la fière et aristocratique garde royale veillait à ses portes ; tous les bancs du côté droit, maintenant occupés par les plus nouveaux députés, étaient couverts d’hommes graves, solennels jusque dans leur colère, presque tous poudrés, chamarrés de rubans ; presque tous anciens ministres ou fonctionnaires éminens. L’opposition était reléguée dans un coin de la Chambre, refoulée par les centres qui débordaient et se grossissaient tous les jours. Aujourd’hui, je retrouvais une grande partie de cette opposition sur le banc des ministres, alors occupé par MM. de Villèle, Peyronnet, Corbière et autres, en habits brodés, avec de larges rubans et de brillans chapeaux à plumes. Casimir Périer se trouvait sur le siége où j’avais vu si long-temps M. de Villèle. Quel changement s’était opéré dans sa personne et dans ses discours ! À la vue de ce long corps si amaigri, courbé en deux plus par la maladie et par la fatigue que par l’âge, à l’aspect de cette tête à peine couverte de cheveux gris, je ne pouvais m’empêcher de songer au brillant Casimir Périer d’autrefois, le lion furieux de l’opposition, qui entrait dans la Chambre, la tête haute, le visage souriant, s’élançait vivement, dès son arrivée, au bureau du président, secouait affectueusement la main de ce beau M. Ravez, si mielleux, portant avec tant de coquetterie son large ruban bleu étalé sur son gilet blanc, et à peine au bas des marches, au premier geste, au premier mot de M. Ravez, se levait avec fureur, et l’apostrophait dans les termes les plus durs, avec une violence sans