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Page:Revue des Deux Mondes - 1833 - tome 1.djvu/125

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IL PIANTO.

Des merles, des serins jaunes comme de l’or,
Chantent l’amour, et l’air plus enivrant encor.
Il est, sous les bosquets et les treilles poudreuses,
Des splendides festins et des noces heureuses ;
Il est des instrumens aux concerts sans pareils,
Et bien des cœurs contens et bien des yeux vermeils.
À l’Ave Maria, sous les portes latines,
On entend bien des luths et des voix argentines ;
On voit sur les balcons, derrière les cyprès,
Bien de beaux jeunes gens qui se parlent de près,
Bien des couples rêveurs, qui, le soir à la brune,
Se baisent sur la bouche en regardant la lune.
Hélas ! un monstre ailé qui plane dans les airs,
Et dont la lourde faux va sarclant l’univers,
La Mort, incessamment coupe toutes ces choses ;
Et femmes et bosquets, oiseaux, touffes de roses,
Belles dames, seigneurs, princes, ducs et marquis,
Elle met tout à bas, même des Médicis,
Elle met tout à bas avant le jour et l’heure ;
Et la stupide oublie, au fond de leur demeure,
Tous les gens de béquille et qui n’en peuvent plus :
Les porteurs de besace et les tristes perclus,
Les catharrheux branlant comme vieille muraille,
Les fiévreux au teint mat qui tremblent sur la paille,
Et les frêles vieillards qui n’ont plus qu’un seul pas
Pour atteindre la tombe et reposer leurs bras.
Tous ont beau l’implorer, elle n’en a point cure,
La Mort vole aux palais sans toucher la mâsure ;
Elle jette à tous vents les plaintes et les voix
De ces corps vermoulus comme d’antiques bois :